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07/11/2012

Des drones bientôt au-dessus du Sahel ?

Par Catherine Morand, journaliste

Une drôle de guerre est en train de s’installer aux confins du désert sahélien. Au mois de mai dernier en effet, un drone de type Predator a été abattu près de la frontière algérienne, dans le nord du Mali, alors qu’il effectuait un vol de reconnaissance. D’après les infos recueillies par des forces de l’armée malienne intervenues pour récupérer les débris de ce drone tombé du ciel, l’engin pourrait avoir été abattu par un missile sol-air russe, provenant de l’ancien arsenal de Kadhafi qui, depuis la disparition du dictateur, est vendu au plus offrant par des trafiquants d’armes à travers le Sahel et le Maghreb.

Les drones? Ce sont ces étranges robots volants, ces avions sans pilote ultrasophistiqués qui planent depuis l’invasion de l’Afghanistan au-dessus de ce pays et du Pakistan voisin, mais plus uniquement: ils survolent désormais également la Somalie, le Yémen ou l’Irak, partout où des «terroristes» liés à la nébuleuse d’Al-Qaïda seraient à l’œuvre. Dans ce contexte, des drones planeront-ils bientôt au-dessus du Sahel, et tout particulièrement du Mali, où des djihadistes originaires de l’Afghanistan et du Pakistan seraient à l’œuvre dans le nord du pays, comme l’a déclaré dans une interview le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui craint la contagion au reste de la sous-région?

Au mois de juin 2012, le New York Times avait cependant créé une onde de choc en révélant dans ses colonnes que c’est le président Barack Obama lui-même qui donne son accord pour l’élimination, par drone interposé, de présumés «terroristes». La «kill list» qui lui est soumise concerne des personnes accusées de représenter un danger pour les Etats-Unis et leurs intérêts où qu’ils se trouvent sur la planète. Bientôt aussi dans le Sahara ? La mise à mort intervient chaque mardi, lors d’une téléconférence organisée par le Pentagone, qui réunit les responsables de la sécurité nationale, au cours de laquelle les biographies des «terroristes» présumés sont épluchées. Avant de désigner au président Obama les prochaines cibles à abattre et obtenir son approbation finale.

On parle de plus en plus du Sahel comme d’un prochain Afghanistan. Cela veut-il dire que bientôt, comme en Afghanistan, des présumés «terroristes» au Mali, au Niger ou ailleurs dans la région seront à leur tour transformés en chaleur et en lumière par des missiles tirés d’avions sans pilotes, depuis des bases militaires américaines ou de l’OTAN, d’où les drones sont pilotés à distance ?

Craignant que «la guerre contre le terrorisme» ne transforme le monde entier en champ de bataille, la présidente d’International Crisis Group, Louise Arbour, est toutefois montée au créneau le 5 juillet 2012, dans une tribune publiée par le quotidien Le Monde. Elle y a lancé un appel demandant à ce que le droit international encadre l’usage croissant des drones, utilisés «sans règles claires», dénonçant «l’utilisation de ces armes qui ignorent largement les principes juridiques, politiques, légaux et moraux qui encadrent les conflits armés», alors que «la liste des assassinat extrajudiciaires ne cesse de s’allonger». Elle estime enfin que ce «permis de tuer» constitue une «menace pour les populations civiles». Sera-t-elle entendue? (publié dans le quotidien Le Courrier, Genève)

05/11/2012

Le rêve américain ? Il est mort...

Par Catherine Morand, journaliste

 

Depuis ses origines, l’Amérique est une terre mythique, le lieu de tous les possibles, où chacun a soit disant sa chance et peut réussir à s’enrichir pour autant qu’il travaille beaucoup. Le rêve américain a pénétré nos cultures et notre imaginaire, alimenté par des séries et des films made in Hollywood qui tournent en boucle sur nos chaînes de télévision nationales.

 

A tel point qu’on finirait presque par croire que la vie aux USA ressemble à celle des héroïnes déjantées de la série « Desperate Houswives » (« Les ménagères désespérées »), au volant de leurs voitures décapotables de luxe, virevoltant entre une séance de shopping et un barbecue chez les voisins. Las, cette image, ce mode de vie ne correspondent plus qu’à environ 10% des ménages américains, les plus riches. Les autres vivent de moins en moins bien, se sont « tiers-mondisés » à toute allure au cours de ces dernières années.

 

Pour ces millions d’Américains qui vivent désormais en-dessous du seuil de la pauvreté, dépendant de tickets d’aide alimentaire pour ne pas crever de faim, qui ont perdu leur maison et vivent dans leur voiture avant d’aller squatter un bout de trottoir, le rêve américain est bel et bien mort et enterré. Comme l’illustrent les nombreux reportages en direct de l’Amérique profonde, scrutée par les médias du monde entier en cette période électorale qui s’achèvera le 6 novembre par une élection présidentielle qui conserve tout son suspens.

 

Il y a les témoignages poignants de ces familles de la classe moyenne, qui vivaient, comme dans les séries américaines, dans une maison de plusieurs étages, avec une cuisine immense et un bloc au milieu, un escalier qui mène à des chambres à coucher mythiques et un beau jardin. Aujourd’hui, après avoir perdu leur emploi et s’être fait saisir leur maison par les banques, parents et enfants s’entassent dans la chambre d’un motel miteux, le long d’une autoroute. Le père comme la mère cherchent désespérément un job, mais il n’y en a plus. Quant aux enfants, ils ont honte de dire qu’ils vivent sur un parking ou à l’hôtel, et refusent d’aller à l’école pour éviter qu’on se moque d’eux. Dans de nombreuses villes, des centaines de maisons sont abandonnées, des quartiers entiers livrés aux pilleurs et aux marginaux.

 

Un étranglement économique qui touche aussi les jeunes, obligés de s’endetter de dizaines de milliers de dollars afin de payer leurs études et les frais d’écolage très élevés des universités, et qui se retrouvent aujourd’hui sans travail, assis chez leurs parents. Même diplômés, jeunes et vieux - obligés de travailler jusqu’à des âges très avancés parce que privés de retraite digne de ce noms – doivent cumuler plusieurs petits jobs pour garder la tête hors de l’eau. Et le moindre ennui de santé, dans un contexte où la plupart des gens n’ont pas d’assurance maladie, peut faire basculer toute une famille dans une misère sans issue.

 

Impressionnantes également ces villes au bord de la faillite, car surendettée, telle celle de Camden dans le New Jersey, obligées de licencier leur police, jugée trop coûteuse, ou leurs pompiers, de fermer les maisons de retraite, les garderies, et même de renoncer à éclairer les rues par manque de moyens.

 

Mais une telle déglingue n’est pas tombée du ciel. Alors, qui a tué le rêve américain ? Parmi les explications : la folie qui consiste à tout faire fabriquer à des milliers de kilomètres de chez soi, en Chine, en Inde ou au Brésil, par des sociétés qui délocalisent à tour de bras. Ou encore le harcèlement de la population encouragée à s’endetter par des banques en délire, totalement irresponsables, dans un contexte de complète dérégulation, et sans limites pour faire du cash.

 

C’est finalement la population américaine qui est la première victime de politiques économiques made in USA qui ont causé d’énormes dégâts également sous d’autres cieux, où, comme aux Etats-Unis, le fossé entre les riches et les pauvres n’a cessé de se creuser, pour atteindre aujourd’hui des profondeurs abyssales. (Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, 2.11.2012)

29/10/2012

Le téléphone portable de Valentin

Par Catherine Morand, journaliste

A peine débarqué de son Burkina Faso natal, Valentin a consacré à l’achat d’un téléphone portable la totalité de son premier salaire de jardinier dans un quartier chic d’Abidjan. Il a ensuite passé ses journées avec son « cellulaire » vissé à l’oreille, parlant haut et fort, afin que nul n’ignore qu’il avait, lui aussi, rejoint la grande famille des « connectés ».

Il fut un temps, en Afrique comme ailleurs, où un téléphone portable était un signe extérieur de richesse, que seuls pouvaient s’offrir les «en haut d’en haut». Mais son usage s’est répandu comme une traînée de poudre jusque dans la brousse la plus profonde, les villages les plus reculés. Aujourd’hui, pas un chauffeur de taxi ni une vendeuse au marché ou encore un « businesseur » qui n’ait son portable. Même les féticheurs sont atteignables sur leur cellulaire, 24 heures sur 24, par une clientèle exigeante, qui veut pouvoir compter sur un petit coup de pouce à tout moment.

Du coup, les «grands quelqu’un » sont obligés de faire de la surenchère : dans les dîners en ville, les personnes importantes alignent ostensiblement trois ou quatre « phones » dernier cri. Pas très agréable d’ailleurs de déjeuner face à un tel déploiement de technologies sophistiquées, qui émettent les signaux et bruitages les plus improbables, démontrant ainsi, si c’était nécessaire, que vous êtes face à une personne recherchée, sollicitée, et donc au top. Et cela ne semble guère gêner certains interlocuteurs que toute conversation suivie soit devenue quasiment impossible.

Au cours de ces dernières années, la téléphonie mobile a certes explosé dans le monde entier. Mais c’est le continent africain qui a connu l’accélération la plus spectaculaire, avec une croissance de près de 50% par année. Et 100 millions de nouvelles lignes activées sur le continent l’année dernière. Du côté des grands opérateurs mondiaux, c’est la ruée. Pas un ne manque à l’appel : le groupe français Orange, sud-africain MTN, l’opérateur des Emirats arabes unis Moov, l’indien Bharti Airtel, le britannique Vodafone…Ils sont tous là à se disputer âprement les parts de marché d’un secteur en plein boom, qui génère des bénéfices colossaux.

Valentin a donc rejoint la grande cohorte de tous ceux qui, jour après jour, consacrent beaucoup d’énergie à acquérir des «unités» pour leur portable. Dans des pays où les lignes de téléphone fixe sont en mauvais état ou ont cessé d’exister, l’arrivée du téléphone portable a profondément modifié les échanges. Plus besoin de parcourir des kilomètres pour avoir des nouvelles de la famille restée au village. Et les transferts d’argent sont désormais possibles via les mobiles, notamment par un système de virement par SMS baptisé M-Pesa. Bon pour le business ! Autant dire qu’on n’a pas fini d’entendre le fameux « Allo, t’es où ? » résonner en dioula, wolof, lingala, baoulé, moré, à l’unisson de la planète Terre, en voie de totale connexion. (Publié dans Le Matin Dimanche, Fraternité Matin, Le Courrier).