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07/02/2016

Soro Solo, flamboyant ambassadeur du continent africain

Un parcours époustouflant, qui force l’admiration : grâce à son talent, sa persévérance, son enthousiasme, Soro Solo et devenu l’un des meilleurs ambassadeurs de la Côte d’Ivoire et du continent africain, en France et au-delà. L’émission « L’Afrique enchantée », qu’il a animée chaque dimanche pendant presque dix ans, de 2006 à 2015, sur les ondes de France Inter, aux côtés de son complice Vladimir Cagnolari, est devenue l’émission la plus écoutée des grandes radios nationales françaises, sur cette tranche horaire, après Rtl et avant Europe 1, avec une moyenne de 350 000 auditeurs. Depuis l’été 2015, Soro Solo poursuit seul l’aventure en animant « L’Afrique en solo », avec le même taux d’écoute spectaculaire.

« Le Grognon ». Petit retour en arrière. Nous sommes à la fin des années 1980, le vent de la démocratisation souffle sur la Côte d’Ivoire. Coulibaly Souleymane, qui anime la Matinale sur les ondes de la radio nationale, lance une nouvelle chronique, « Le Grognon » qui permet aux auditeurs de « grogner » un peu en direct, de partager leurs soucis, leur colère, lorsque, par exemple, ils se font racketter par un agent des forces de l’ordre ; ou lorsqu’un parent décède faute de soins payés cash et d’avance. Un ton et une liberté inhabituelles, qui marqueront les esprits, et feront aussi grincer quelques dents : les suspensions d’antenne se multiplient pour le journaliste, Prix Ebony en 1993 et 1994, qui voit un jour des soldats débarquer dans le studio…

Cela ne l’empêche pas de multiplier les collaborations avec des médias internationaux, en collaborant notamment à l’émission « Taxi Brousse » animée par la journaliste Sylvie Coma sur Rfi. Mais par amour pour son pays et par devoir envers ses compatriotes, il déclinera systématiquement les propositions de collaboration à l’étranger, s’estimant plus utile en Côte d’Ivoire, et aussi « redevable aux contribuables ivoiriens de lui avoir permis de bénéficier d’une formation à l’Ina », explique-t-il aujourd’hui.

Les chemins de l’exil. Durant la crise et les « événements » douloureux qui ont marqué tous les Ivoiriens, l’épisode le plus traumatisant vécu par Souleymane Coulibaly se déroule au cimetière de Williamsville en octobre 2002, à l’enterrement d’un membre de sa famille. Deux de ses cousins portant le même patronyme sont abattus à bout portant par un « escadron de la mort ». Lui-même, qui avait quitté les lieux une demi-heure avant, a eu la vie sauve, de justesse. Ses amis le supplient de partir, pour sauver sa peau. C’est donc la mort dans l’âme que Soro Solo – qui a repris le nom « Soro » de sa famille, originaire de Korhogo, avant la conversion de son père à l’islam – se résout à quitter sa chère Côte d’Ivoire. Et en janvier 2003, alors qu’il se trouve à Paris pour participer à l’assemblée générale d’ « Afrique en créations », le journaliste demande et obtient l’asile politique en France.

Comme pour tous les exilés, les débuts furent difficiles. Il est d’abord accueilli par Vladimir Cagnolari et sa famille, un journaliste français avec lequel il s’était lié d’amitié en 2001 à Bassam, lors du Festival des arts de la rue. Puis il sera pendant quelques mois résident à la « Maison des journalistes », le temps de prendre ses marques, de se reconstruire. A 50 ans, il repart à zéro. Soro Solo travaille énormément, court les rédactions, soumet des projets conçus pendant des nuits blanches.

Mais rien n’est facile, et ils sont nombreux, à Paris, les journalistes africains qui tentent de se (re)faire une place au soleil. Il fait des piges pour des magazines, décroche une chronique sur Rfi, intitulée « Je vous écris de France ». Mais c’est l’aventure de « L’Afrique enchantée » sur les ondes de France Inter (à ne pas confondre avec Rfi) qui le propulsera sur le devant de la scène ; et lui permettra de s’épanouir professionnellement, avant d’être récompensé par le « Grand Prix des radios francophones publiques » en 2009.

Tordre le cou aux préjugés sur l’Afrique. Soro Solo, en compagnie de son « frère blanc » Vladimir Cagnolari, part de la musique du continent pour raconter l’Afrique, sous toutes ses facettes, utilise des chansons mythiques pour incarner un pays, un thème, souvent en lien avec l’actualité - et tordre au passage le cou à une image parfois dévalorisée du continent. Solo et Vlad se donnent la réplique, se transforment en griots pour conter cette Afrique si chère à leur cœur, tendent leur micro à monsieur et madame Tout-le-monde : « Vladimir et moi avons les mêmes envies de radio : nous nous intéressons plus aux sans-voix qu’aux officiels, qui sont tout le temps devant des micros et des caméras », explique-t-il en souriant.

Le succès de « L’Afrique enchantée » est tel que les deux amis décident de partir à la rencontre de leurs auditeurs, et se lancent dans l’organisation des « Bals de l’Afrique enchantée », aux quatre coins de la France. Ces répliques des bals populaires version tropicale proposent un répertoire des années 1960 à aujourd’hui. Entre les morceaux, Solo, de sa voix rocailleuse reconnaissable entre toutes, dreadlocks au vent, balance une anecdote au micro, explique le contexte social ou politique du morceau, et enchante son public. Les organisateurs de festivals de musique africaine se l’arrachent, en France, mais aussi ailleurs dans le monde. Il est également sollicité par la prestigieuse TEDx Paris pour animer une conférence sur la modernité, les traditions et le choc des cultures, qu’on peut toujours écouter sur internet. Son press-book est impressionnant : les plus grands médias lui ont consacré des émissions ou des articles terriblement élogieux.

Mal du pays. Soro Solo ne s’arrête jamais, son énergie et son enthousiasme sont intacts. Son ami journaliste Vladimir Cagnolari ayant décidé de relever d’autres défis, c’est seul aux commandes qu’il anime désormais « L’Afrique en solo», sur le même principe et avec le même succès. Lui qui sillonne pourtant tout le continent africain – et les pays à forte diaspora d’origine africaine, comme Haïti, les Antilles - ne peut pas encore retourner chez lui, ce qui est parfois difficile à supporter. Son pays, sa famille restée au pays, lui manquent cruellement. Mais la roue finit toujours par tourner. Gageons que les retrouvailles seront belles. Et que la Côte d’Ivoire saura honorer son valeureux fils, lequel, en France comme dans le reste du monde, porte très haut les couleurs du pays et du continent.

(article publié dans le quotidien d'Abidjan Fraternité Matin le 6.2.2016)