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02/06/2014

La pollution sonore rend la vie dure aux citadins

Les métropoles sont des usines à bruits qui rendent la vie des citadins de plus en plus pénible. C’est ainsi qu’au Caire, les autorités égyptiennes, conscientes du problème, ont lancé une campagne nationale de lutte contre la pollution sonore. C’est que chaque jour, dès l’aube, une cacophonie infernale s’empare de cette ville de quelque 20 millions d’habitants. Ce sont tout d’abord les klaxons, utilisés sans modération et par pure réflexe par les conducteurs de quelque 1,6 million de voitures, dont 80’000 taxis. A cela s’ajoutent la musique à tue-tête, les télévisions à fond, les cris des marchands ambulants, ainsi que les bruits générés par d’innombrables ateliers. Sans oublier les appels à la prière cinq fois par jour diffusés au moyen de puissants haut-parleurs à partir de centaines de minarets, que le gouvernement égyptien tente de synchroniser pour diminuer les nuisances sonores de la capitale.

La mise en place d’un ’”appel unifié” à la prière soulève d’ailleurs des palabres sans fins entre partisans de la tradition et celles et ceux qui n’en peuvent plus de cette course aux décibels entre muezzins, avec micros réglés au maximum. Dans la zone du Grand Caire, dès l’aube jusque tard dans la nuit, le taux de pollution sonore varie en tout cas entre 85 et 90 décibels et même au-delà. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) - qui place la pollution sonore juste après celles de l’air et de l’eau sur l’échelle des nuisances qui affectent l’humanité -  situe la limite du supportable aux alentours des 45 décibels le jour et 35 la nuit. Au delà, l’OMS nous promet toute une série de troubles et de maladies. Une étude réalisée sur environ 25’000 adultes a d’ailleurs permis d’établir un lien entre la pollution sonore dans les rues et l’hypertension qui affecte un nombre croissant de personnes.

Mais le Caire n’est pas une exception. Mexico ou Buenos Aires sont connues pour leurs niveaux sonores hallucinants, tout comme Shanghai où les autorités chinoises tentent d’interdire les klaxons dans le centre-ville. Abidjan et les autres mégalopoles africaines ne sont bien entendu pas en reste. Truffées de gargotes, boîtes de nuit et autres maquis, mais aussi d’églises évangéliques dont les séances de prière ou d’exorcisme s’étalent souvent jusqu’au petit matin, les riverains ne savent plus vers qui se tourner pour faire respecter leur sommeil.

Les pays européens ont entamé un combat contre la pollution sonore dès les années 80 et dégagé des moyens financiers importants pour y parvenir. Ce qui n’empêche pas de constater qu’un niveau sonore excessif continue d’être à l’origine de près de 2% des crises cardiaques européennes. Mais dans les métropoles économiquement sinistrées, prises d’assaut chaque année par des milliers de nouveaux arrivants nécessiteux, c’est une autre paire demanches. La lutte pour la survie est bruyante. Et les places sont chères sur les trottoirs où profilèrent les petits métiers, générateurs de décibels.

Résultat : pour échapper au brouhaha des mégalopoles surpeuplées, les citadiens qui en ont les moyens s’en vont. Des milliers de Cairotes sont ainsi partis habiter dans les nouveaux quartiers qui émergent dans le désert, afin de goûter au luxe suprême de vivre dans un environnement tranquille. Tandis qu’à Mumbai en Inde, les quartiers résidentiels privés connaissent un boom spectaculaire.

Et tandis que les humains, sur la Terre, cherchent à échapper à un incessant vacarme, les mammifères marins, eux, sont également perturbés par la pollution sonore sous-marine provoquée par le bruit des bateaux et autres porte-conteneurs dont le nombre a explosé, ainsi que par les sonars civils et militaires. Peut-être faudra-t-il bientôt migrer sur d’autres planètes pour enfin jouir de ce qui devient de plus en plus un luxe inaccessible : le parfait silence.

01/06/2014

Le Prix Kourouma récompense les sorciers du Cameroun

Remis chaque année au mois de mai à Genève dans le cadre du Salon international du livre et de la presse, le prix littéraire Ahmadou Kourouma vient d’être attribué à « Ceux qui sortent la nuit » publié chez Grasset. Ce premier roman du Camerounais Daniel Alain Nsegbe, qui écrit sous le pseudonyme Mutt-Lon, nous ouvre toutes grandes les portes du monde mystérieux de la sorcellerie. Et des sorciers qui le hantent, les « ewusus », des humains d’apparence normale, mais qui, dès la nuit tombée, quittent leur corps et se déplacent sans entraves. Cet ouvrage de science-fiction, ou plutôt de sorcellerie-fiction, nous entraîne dans des aventures rocambolesques, qui ont pour cadre l’Afrique moderne et celle d’avant les Blancs, en 1705 ; deux époques très différentes, certes, mais où les sorciers demeurent omniprésents. Un livre passionnant, qui se lit comme un polar, et dont l’auteur, venu en personne à Genève recevoir le Prix Ahmadou Kourouma, a séduit le public nombreux qui est venu l’écouter.

Daniel Alain Nsegbe reçoit le Prix Kourouma des mains de Jacques Chevrier, président du jury

A l’entendre raconter comment, depuis son Cameroun natal, il a envoyé son manuscrit par la poste à la prestigieuse maison d’édition parisienne Grasset, et comment sa directrice littéraire Martine Boutang l’a appelé en personne un mois plus tard pour lui annoncer qu’il serait publié, on ne peut s’empêcher de penser que les « ewusus » lui ont donné un petit coup de pouce… Car des manuscrits de premiers romans, Martine Boutang en reçoit entre dix et quinze par jour; et seuls cinq paraissent par année. « J’espère que mon histoire va motiver de jeunes auteurs qui connaissent le calvaire de la première édition, et qui abandonnent avant d’avoir vu leur livre publié », souhaite Daniel Alain Nsegbe, alias Mutt-Lon, qui veut dire « l’enfant du terroir » en bassa, une langue parlée au Cameroun. « J’ai choisi ce pseudo car je suis resté très proche du village de mes origines, je m’y rends le plus souvent possible », a raconté à Genève celui qui se retrouvait pour la première fois en Europe. Et visiblement, ce n’est pas du tout incompatible avec son look branché très « urban fashion » : baskets fluo, jeans délavés et démarche sportive.

Son goût de la lecture, il le doit à sa mère, qu’il a surprise un jour, alors qu’il n’était encore qu’un enfant, en train de pleurer en lisant un livre de Guy des Cars. « Je me suis promis de lire ce livre pour comprendre ce qu’il y avait là-dedans qui faisait pleurer ma maman », raconte-il aujourd’hui. Dans la foulée, il a lu les 42 livres de Guy des Cars que sa mère gardait précieusement dans une cantine ; puis il a dévoré tous les Agatha Christie que les « changeurs de romans » donnaient à lire à Yaoundé en échange de 100 francs CFA. Depuis lors, sa passion de la lecture et de l’écriture ne se sont plus démenties, jusqu’à la remise du Prix Kourouma à Genève. Grâce au partenariat qui lie le Prix Ivoire, remis chaque année en Côte d’Ivoire depuis 2008, et le Prix Kourouma, Mutt-Lon sera invité à Abidjan lors de l’édition 2014 du Prix Ivoire le 8 novembre prochain, comme Hemley Boum, lauréate du Prix Ivoire pour son roman « Si d’aimer », l’a été à Genève.

Christiane Kourouma, la veuve de l’immense écrivain ivoirien, était présente à Genève le 2 mai 2014 lors de la remise du Prix littéraire qui porte le nom de son mari ; elle s’est entretenue avec le lauréat, dont elle a beaucoup apprécié la jeunesse et la pertinence avec laquelle il a répondu aux questions du public. Toujours très émue en évoquant la mémoire de son époux, elle a confié que la dépouille de celui-ci rejoindrait prochainement la terre de ses ancêtres. Et que la cérémonie d’inhumation se déroulerait le 14 novembre 2014 au cimetière de Williamsville à Abidjan. C’est précisément ce à quoi s’était engagé le ministre de la culture et de la francophonie Maurice Bandaman en 2012, au Salon du livre international de Genève, dans le discours particulièrement émouvant qu’il avait prononcé lors de la remise du Prix Ahmadou Kourouma.

(Publié dans le quotidien Fraternité Matin)