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05/11/2012

Le rêve américain ? Il est mort...

Par Catherine Morand, journaliste

 

Depuis ses origines, l’Amérique est une terre mythique, le lieu de tous les possibles, où chacun a soit disant sa chance et peut réussir à s’enrichir pour autant qu’il travaille beaucoup. Le rêve américain a pénétré nos cultures et notre imaginaire, alimenté par des séries et des films made in Hollywood qui tournent en boucle sur nos chaînes de télévision nationales.

 

A tel point qu’on finirait presque par croire que la vie aux USA ressemble à celle des héroïnes déjantées de la série « Desperate Houswives » (« Les ménagères désespérées »), au volant de leurs voitures décapotables de luxe, virevoltant entre une séance de shopping et un barbecue chez les voisins. Las, cette image, ce mode de vie ne correspondent plus qu’à environ 10% des ménages américains, les plus riches. Les autres vivent de moins en moins bien, se sont « tiers-mondisés » à toute allure au cours de ces dernières années.

 

Pour ces millions d’Américains qui vivent désormais en-dessous du seuil de la pauvreté, dépendant de tickets d’aide alimentaire pour ne pas crever de faim, qui ont perdu leur maison et vivent dans leur voiture avant d’aller squatter un bout de trottoir, le rêve américain est bel et bien mort et enterré. Comme l’illustrent les nombreux reportages en direct de l’Amérique profonde, scrutée par les médias du monde entier en cette période électorale qui s’achèvera le 6 novembre par une élection présidentielle qui conserve tout son suspens.

 

Il y a les témoignages poignants de ces familles de la classe moyenne, qui vivaient, comme dans les séries américaines, dans une maison de plusieurs étages, avec une cuisine immense et un bloc au milieu, un escalier qui mène à des chambres à coucher mythiques et un beau jardin. Aujourd’hui, après avoir perdu leur emploi et s’être fait saisir leur maison par les banques, parents et enfants s’entassent dans la chambre d’un motel miteux, le long d’une autoroute. Le père comme la mère cherchent désespérément un job, mais il n’y en a plus. Quant aux enfants, ils ont honte de dire qu’ils vivent sur un parking ou à l’hôtel, et refusent d’aller à l’école pour éviter qu’on se moque d’eux. Dans de nombreuses villes, des centaines de maisons sont abandonnées, des quartiers entiers livrés aux pilleurs et aux marginaux.

 

Un étranglement économique qui touche aussi les jeunes, obligés de s’endetter de dizaines de milliers de dollars afin de payer leurs études et les frais d’écolage très élevés des universités, et qui se retrouvent aujourd’hui sans travail, assis chez leurs parents. Même diplômés, jeunes et vieux - obligés de travailler jusqu’à des âges très avancés parce que privés de retraite digne de ce noms – doivent cumuler plusieurs petits jobs pour garder la tête hors de l’eau. Et le moindre ennui de santé, dans un contexte où la plupart des gens n’ont pas d’assurance maladie, peut faire basculer toute une famille dans une misère sans issue.

 

Impressionnantes également ces villes au bord de la faillite, car surendettée, telle celle de Camden dans le New Jersey, obligées de licencier leur police, jugée trop coûteuse, ou leurs pompiers, de fermer les maisons de retraite, les garderies, et même de renoncer à éclairer les rues par manque de moyens.

 

Mais une telle déglingue n’est pas tombée du ciel. Alors, qui a tué le rêve américain ? Parmi les explications : la folie qui consiste à tout faire fabriquer à des milliers de kilomètres de chez soi, en Chine, en Inde ou au Brésil, par des sociétés qui délocalisent à tour de bras. Ou encore le harcèlement de la population encouragée à s’endetter par des banques en délire, totalement irresponsables, dans un contexte de complète dérégulation, et sans limites pour faire du cash.

 

C’est finalement la population américaine qui est la première victime de politiques économiques made in USA qui ont causé d’énormes dégâts également sous d’autres cieux, où, comme aux Etats-Unis, le fossé entre les riches et les pauvres n’a cessé de se creuser, pour atteindre aujourd’hui des profondeurs abyssales. (Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, 2.11.2012)

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