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22/01/2013

Interdiction des sacs en plastique : l'Afrique montre l'exemple

Par Catherine Morand, journaliste

La planète consomme un million de sacs en plastique chaque minute. Un véritable fléau, tout particulièrement dans les pays, nombreux, qui n’ont pas de systèmes de collecte et de recyclage des déchets dignes de ce nom. Un nombre croissant de pays déclarent la guerre à ces sachets, dont le temps d’utilisation se situe à 25 minutes en moyenne, tandis qu’ils mettent en entre 150 et 400 ans pour se dégrader. Le continent africain, le plus coercitif en la matière, semble désormais montrer l’exemple au reste du monde.

Derniers pays africains à rejoindre le mouvement : le Mali et la Mauritanie, qui ont démarré la nouvelle année en fanfare, en interdisant résolument, dès le 1er janvier 2013, la production, la commercialisation et l’usage de sachets en plastique sur l’ensemble de leurs territoires respectifs. En Mauritanie, la mesure d’interdiction prévoit des peines de prison ferme pouvant aller jusqu’à un an pour les contrevenants, ainsi que des amendes atteignant jusqu’à un million d’ouguiyas, soit l’équivalent de 2500 euros.

C’est dire si Nouakchott n’a pas l’intention de plaisanter, pas plus que Bamako, qui qualifie depuis des années de « fléau désastreux » pour l’environnement et la vie des Maliens ces tonnes de sacs en polyéthylène, qui bloquent les caniveaux et les systèmes d’évacuation, propagent la malaria puisque les moustiques y trouvent des flaques d’eau tiède, tapissent les fonds des lacs et des rivières, étouffent le bétail. D’ailleurs, le saviez-vous ? La panse de près de 80% des bovins tués aux abattoirs de Nouakchott contient des sachets en plastique…

C’est le Rwanda qui, le premier, a montré l’exemple, en devenant, en 2007, le premier pays africain, voire du monde, à interdire les sacs en plastique sur l’ensemble de son territoire, et en faisant strictement respecter sa décision. Les passagers qui débarquent à l’aéroport de Kigali doivent d’ailleurs s’attendre à se faire confisquer leurs sachets en plastique, qu’on leur échange contre des sacs fabriqués localement en matières biodégradables.

L’Afrique du Sud, la Somalie, l’Erythrée, l’Ouganda, la Tanzanie, le Gabon, le Kenya, le Congo, ont suivi le mouvement. D’autres pays, sans l’interdire complètement, mènent d’importantes actions de sensibilisation et de lutte contre la prolifération des petits sachets. C’est le cas du Burkina Faso, dont les autorités ont par exemple organisé à Ouagadougou un concours intitulé « Zéro sachet plastique » qui a permis, en l’espace d’une semaine de collecter 350 tonnes de déchets plastiques dans la capitale. L’arrondissement le plus zélé s’est même vu attribuer un prix en guise de récompense.

Cette masse,une fois recyclée, entre dans la fabrication, au Burkina Faso, de chaises, de seaux et d’ustensiles de cuisine. Tandis qu’à Madagascar, un projet mené par l’ONG française Gevalor recycle les sacs en plastique dans la fabrication de pavés.

La décision prise par la Mauritanie et le Mali d’interdire les sachets en plastique dès le 1er janvier 2013 suscite des réactions dans les pays de la sous-région. Ainsi, le 4 janvier, sur le site Seneweb, un internaute demandait ce qu’attendent les autorités sénégalaises pour emboîter le pas à leurs homologues maliens et mauritaniens, estimant « qu’elles ne semblent pour l’instant pas trop emballées ni par une taxation ni par le recyclage de ces sacs plastiques », même si à Dakar, Thiès ou Touba, ils polluent l’environnement de la population.

Du coup m’est revenue à l’esprit cette vision apocalyptique de la capitale tchadienne N’Djamena où j’avais passé quelques jours : des arbustes auxquels s’accrochaient à perte de vue des sachets en plastique noirs, tels de sinistres corbeaux, ou encore stratifiés dans la terre des rues, étouffant les champs, emportés par les pluies et les eaux de ruissellement jusque dans le fleuve Chari, lequel se jette dans le lac Tchad, dont le fond serait, dit-on, tapissé de plastique noir… (publié dans le quotidien Le Courrier (Genève), Fraternité Matin (Abidjan)

 

07/01/2013

Noël et les lumières de la ville

« Les lumières de la ville » (City Lights) est le titre d’un film signé et joué par le génial Charlie Chaplin dans les années 30. Ce titre convient aussi parfaitement pour qualifier la période de Noël, et l’émerveillement de millions de citadins de par le monde qui redécouvrent leur cadre de vie paré de ses habits de lumière.

 

Pour la deuxième année consécutive, c’est désormais aussi le sort envié des Abidjanais, qui ne boudent par leur plaisir. L’année dernière, ils furent des milliers à converger vers le Plateau, pour admirer ces magnifiques sculptures de lumières, qui mirent du baume au cœur et à l’âme des gens, après tant de souffrances.

 

Cette année, l’engouement est à nouveau au rendez-vous, et la magie opère, y compris dans les communes d’Abobo, Yopougon, Treichville et Cocody où l’opération « Abidjan, ville lumière » a été étendue. Et les témoignages enchantés, émerveillés, de la population se multiplient. Dans le quartier d’Abobo, au rond-point Anador, une colombe de la paix stylisée, face à la représentation des sept femmes tuées pendant la crise, invite au recueillement, au pardon, et illustre le thème des illuminations de cette année : réconciliation, reconstruction et paix.

 

Abidjan vit cette période de fêtes à l’unisson des grandes capitales, qui rivalisent chaque année en imagination, en couleurs et en formes scintillantes, pour plonger les habitants dans une atmosphère féérique. C’est également le cas des Champs-Elysées, l’une des avenues les plus célèbres du monde, qui n’a pas lésiné sur les illuminations : entre la Place de la Concorde et celle de l’Etoile, 1,5 million de lumières ont été installées, ainsi que 200 anneaux lumineux au-dessus des arbres de l’avenue.

 

Mais cela n’empêche pas les critiques de fuser, dans les journaux comme sur les réseaux sociaux. « Ces illuminations qui narguent les pauvres… » titre ainsi Agora Vox, qui rappelle les 3 millions de chômeurs et plus de 8 millions de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté en France, ce qui n’empêche en rien Paris, mais aussi Lyon, Marseille, Toulouse, de s’illuminer. « Cette débauche de lumières et de décorations et de strass devient indécente face à la crise que nous subissons de plein fouet », s’indigne celui qui se qualifie de « média citoyen », qui liste au centime d’euro près « les dépenses somptueuses » consenties par les villes françaises, malgré la précarité dans laquelle vivent un grand nombre de leurs concitoyens.

 

Le débat est lancé. Et chacun y va de son analyse. « C’est la crise, d’accord, mais on ne va pas non plus vivre à la lueur des bougies », clame cet internaute. « Laissez nous rêver un peu, la réalité nous rattrapera bien assez vite », plaide encore cette mère de famille de Lyon, qui raconte l’émerveillement de ses enfants pendant la « Fête des lumières » qui s’y déroule chaque année au mois de décembre. « Les illuminations de Noël doivent-elles être maintenues en temps de crise ? » demandait ainsi dernièrement le Figaro sur son site internet. Ce à quoi un lecteur répondait, ironique : « Non, j’ai d’ailleurs enlevé toutes les ampoules électriques chez moi, coupé le gaz, supprimé le chauffage, et je ne n’utilise plus ma voiture. »

 

Partout, le débat est le même, y compris à Abidjan. « On va manger lumière » titrait cette semaine le journal satirique Bol’Kotch, faisant ainsi allusion à toutes les familles qui n’arriveraient pas à s’offrir un poulet à Noël ou à Nouvel An. Parmi les avis recueillis, à Abidjan comme à Paris, Lyon ou Marseille, ceux des personnes estimant que la ville aurait dû penser à soulager les misères de la population jouxtent ceux qui pensent que les beautés d’une ville illuminée font du bien à l’âme de ses habitants. Et en France comme en Côte d’Ivoire, les préoccupations se rejoignent pour économiser le plus possible, en recourant par exemple à l’énergie solaire ou à des ampoules LED, qui permettent de diviser par dix la consommation d’électricité. (paru dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, le 29 décembre 2012)

08/12/2012

Des bouchons dans la ville

Par Catherine Morand, journaliste

A Abidjan, comme dans toutes les grandes métropoles du monde, la circulation est devenue tellement dense, frôlant souvent la paralysie, qu’il s’agit désormais de développer des ruses de Sioux pour arriver à l’heure à son travail ou à un rendez-vous. Embourbés dans les colonnes de voitures qui descendent le matin ou remontent le soir sur le boulevard Latrille ou le boulevard Lagunaire, il faut prendre son mal en patience ; et tromper son ennui en lisant la presse du jour, ou en faisant son shopping auprès des innombrables bana-bana qui squattent le bitume.

Cela permet également de préparer les excuses, les pardons, qu’il s’agira d’adresser à son employeur ou à la personne avec laquelle vous aviez rendez-vous. Pour expliquer, une nouvelle fois, qu’à cause d’un « traffic jam », comme disent les anglophones, vous êtes en retard. Expression savoureuse s’il en est, « jam » veut dire encombrement, mais aussi confiture ; ce qui nous permet d’imaginer une longue traînée de confiture qui s’étale sur le macadam, dans laquelle nous serions tous englués.

Un collègue qui vit et travaille à Dar-es-Salaam m’expliquait l’autre jour la stratégie qu’il a mise au point pour éviter d’être empêtré dans les bouchons gigantesques qui paralysent la capitale tanzanienne quotidiennement. Le matin, il quitte chez lui à 6 heures, et le soir, il ne redescend jamais avant 20 heures. Des journées à rallonge donc, qui ressemblent beaucoup à celle des Londoniens ou des habitants de Mexico, et qui laissent peu de place au repos, à la vie de famille, à la détente.

Lagos est également célèbre pour ses interminables embouteillages qui s’étendent sur plusieurs kilomètres, véritables serpents de tôles avançant pare-chocs contre pare-chocs à une allure d’escargot. Tandis que Nairobi est l’une des capitales africaines où il est le plus difficile de trouver à se parquer. Une enquête avait révélé qu’en 2010, 6 automobilistes sur 10 avaient dû abandonner au moins une fois tout espoir de trouver une place de stationnement et que plus d’un quart des conducteurs en étaient venus aux mains sur un parking.

Comment expliquer une telle congestion ? Sommes-nous de plus en plus nombreux à vivre en ville, à disposer d’une voiture ? Peut-être. Le parc automobile de Bujumbura, capitale du Burundi, est en tout cas passé de quelque 23'000 véhicules en 2007 à 60'000 cinq ans plus tard, générant ainsi des embouteillages monstres sur un réseau routier limité. Le boom des voitures d’occasion et autres « France au revoir » ne fait qu’accentuer le phénomène. Les villes du monde sont-elles donc condamnées à être paralysées par un trafic sans issue, sur lequel les responsables de l’urbanisme font semblant d’avoir encore une quelconque maîtrise ?

Pour les citadins qui vivent aux abords de ces voies, le bruit des klaxons, les gaz des pots d’échappement, la pollution, leur font vivre un enfer. Et que dire de toutes celles et ceux qui vivent et dorment dehors, et suffoquent le long de ces artères congestionnées par le trafic automobile ?

Est-ce une bonne solution ? Pour désengorger le centre-ville, Kinshasa a transformé le boulevard du 30 Juin en une « autoroute urbaine » à six voies, qui permet aux automobilistes de peser sur l’accélérateur. Mais gare aux accidents mortels qui se succèdent sur cette sorte de piste d’aéroport en pleine ville, un peu surréaliste, construite par les Chinois.

Pour celles et ceux qui n’en peuvent plus de passer des heures bloqués dans les embouteillages, le télétravail, chez soi, sur son ordinateur, peut représenter une solution. On peut aussi imaginer conduire un jour une voiture qui vole et permet de passer au-dessus des bouchons. Un rêve qui pourrait devenir réalité, grâce à un véhicule sur lequel bossent des Néerlandais ; un engin qui n’aurait besoin que de 165 mètres de piste pour décoller, et qui se déplacerait à une vitesse maximale de 180 km/h sur terre ou dans les airs… (Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan)