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08/12/2012

Des bouchons dans la ville

Par Catherine Morand, journaliste

A Abidjan, comme dans toutes les grandes métropoles du monde, la circulation est devenue tellement dense, frôlant souvent la paralysie, qu’il s’agit désormais de développer des ruses de Sioux pour arriver à l’heure à son travail ou à un rendez-vous. Embourbés dans les colonnes de voitures qui descendent le matin ou remontent le soir sur le boulevard Latrille ou le boulevard Lagunaire, il faut prendre son mal en patience ; et tromper son ennui en lisant la presse du jour, ou en faisant son shopping auprès des innombrables bana-bana qui squattent le bitume.

Cela permet également de préparer les excuses, les pardons, qu’il s’agira d’adresser à son employeur ou à la personne avec laquelle vous aviez rendez-vous. Pour expliquer, une nouvelle fois, qu’à cause d’un « traffic jam », comme disent les anglophones, vous êtes en retard. Expression savoureuse s’il en est, « jam » veut dire encombrement, mais aussi confiture ; ce qui nous permet d’imaginer une longue traînée de confiture qui s’étale sur le macadam, dans laquelle nous serions tous englués.

Un collègue qui vit et travaille à Dar-es-Salaam m’expliquait l’autre jour la stratégie qu’il a mise au point pour éviter d’être empêtré dans les bouchons gigantesques qui paralysent la capitale tanzanienne quotidiennement. Le matin, il quitte chez lui à 6 heures, et le soir, il ne redescend jamais avant 20 heures. Des journées à rallonge donc, qui ressemblent beaucoup à celle des Londoniens ou des habitants de Mexico, et qui laissent peu de place au repos, à la vie de famille, à la détente.

Lagos est également célèbre pour ses interminables embouteillages qui s’étendent sur plusieurs kilomètres, véritables serpents de tôles avançant pare-chocs contre pare-chocs à une allure d’escargot. Tandis que Nairobi est l’une des capitales africaines où il est le plus difficile de trouver à se parquer. Une enquête avait révélé qu’en 2010, 6 automobilistes sur 10 avaient dû abandonner au moins une fois tout espoir de trouver une place de stationnement et que plus d’un quart des conducteurs en étaient venus aux mains sur un parking.

Comment expliquer une telle congestion ? Sommes-nous de plus en plus nombreux à vivre en ville, à disposer d’une voiture ? Peut-être. Le parc automobile de Bujumbura, capitale du Burundi, est en tout cas passé de quelque 23'000 véhicules en 2007 à 60'000 cinq ans plus tard, générant ainsi des embouteillages monstres sur un réseau routier limité. Le boom des voitures d’occasion et autres « France au revoir » ne fait qu’accentuer le phénomène. Les villes du monde sont-elles donc condamnées à être paralysées par un trafic sans issue, sur lequel les responsables de l’urbanisme font semblant d’avoir encore une quelconque maîtrise ?

Pour les citadins qui vivent aux abords de ces voies, le bruit des klaxons, les gaz des pots d’échappement, la pollution, leur font vivre un enfer. Et que dire de toutes celles et ceux qui vivent et dorment dehors, et suffoquent le long de ces artères congestionnées par le trafic automobile ?

Est-ce une bonne solution ? Pour désengorger le centre-ville, Kinshasa a transformé le boulevard du 30 Juin en une « autoroute urbaine » à six voies, qui permet aux automobilistes de peser sur l’accélérateur. Mais gare aux accidents mortels qui se succèdent sur cette sorte de piste d’aéroport en pleine ville, un peu surréaliste, construite par les Chinois.

Pour celles et ceux qui n’en peuvent plus de passer des heures bloqués dans les embouteillages, le télétravail, chez soi, sur son ordinateur, peut représenter une solution. On peut aussi imaginer conduire un jour une voiture qui vole et permet de passer au-dessus des bouchons. Un rêve qui pourrait devenir réalité, grâce à un véhicule sur lequel bossent des Néerlandais ; un engin qui n’aurait besoin que de 165 mètres de piste pour décoller, et qui se déplacerait à une vitesse maximale de 180 km/h sur terre ou dans les airs… (Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan)