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27/12/2013

Le père Noel est arrivé à bord d'un porte-conteneurs

Il est révolu le temps où le Père Noël débarquait avec ses jouets par milliers, à bord de son traîneau tiré par des rennes. Aujourd’hui, le Père Noël arrive non plus du pôle Nord, mais bel et bien de Chine.

Juché sur un de ces porte-conteneurs géants qui sillonnent les mers, avec, à son bord, des milliers de « boîtes » remplies de tout ce qu’il nous faut pour passer des de douces fêtes de fin d’année : des montagnes de jouets, de papiers cadeaux, de guirlandes de lumières, de boules multicolores, de sapins synthétiques, d’étoiles, de cotillons…

 Depuis le mois d’août, ces bateaux ont ainsi transporté la quasi-totalité des jouets et des cadeaux sur lesquels nous nous ruons en ce mois de décembre. Les rotations entre la Chine et l’Europe ne sont jamais si intenses qu’en cette période de l’année où la consommation occidentale atteint des pics. Et dans les gigantesques ports chinois, les plus grands du monde, les porte-conteneurs sont pris dans des embouteillages monstres, prêts à charger la production d’usines qui tournent à plein régime.

C’est que pour éviter les invendus, les multinationales du jouet que sont Mattel, Lego, Walt Disney, Hasbro, passent commande à la dernière minute et imposent ainsi des rythmes de production démentiels. Pour satisfaire la demande de Noël, les usines chinoises de jouets font travailler leurs ouvrières à des cadences inhumaines, avec des points hebdomadaires à 72 heures. Et les pressions sur les prix sont telles, qu’elles neutralisent toute possibilité d’améliorer les salaires, les conditions de travail et de sécurité.

Régulièrement, des alertes concernant la toxicité des jouets made in China ou leurs conditions de fabrication défrayent la chronique. Les communicants des grandes marques jouent les étonnés, gesticulent, font du bruit ; mais rien ne change. De toute manière, avons-nous encore le choix ? Car si la Chine stoppait ses exportations, les Européens – comme le reste du monde - se retrouveraient bien penauds devant des rayons de grands magasins vides, et des enfants en pleurs, privés de cadeaux de Noël.

Est-ce d’ailleurs bien raisonnable que la course mondiale au moindre coût nous ait fait fermer l’une après l’autre nos usines de jouets ? Et que nous soyons complétement dépendant d’usines se trouvant à des milliers de kilomètres de notre sapin de Noël – ainsi que des porte-conteneurs géants qui transportent des jouets par milliers ? Ceux-ci ne repartent pas à vide. Mais comme nous ne produisons pratiquement plus rien, les géants des mers repartent vers la Chine en embarquant les restes de nos agapes de fin d’année : des tonnes de papiers cadeaux et de déchets plastiques qui seront recyclés dans l’Empire du Milieu.

 

17/12/2013

De Stromae à Obama : papaoutai (papa où t'es) ?

Qui ne connaît pas Stromae (Maestro en verlan) ? Il a 28 ans, est métis, né d’une mère belge et d’un père rwandais. Et il enflamme les pistes de danse du monde entier avec ses tubes aux paroles si profondes. C’est le cas de sa chanson intitulée « Papaoutai », transcription phonétique de « Papa où t’es ? », dont l’incroyable clip a déjà été visionné 8,6 millions de fois sur YouTube. Le jeune dandy aux vêtements bariolés y incarne une figure paternelle étrange, telle une statue de cire immobile. En face de lui, un enfant, son fils, essaye de le faire réagir, de capter son attention.


« Dites-moi d’où il vient – Enfin je saurai où je vais - Ah sacré papa, dis-moi où es-tu caché – Où t’es, papa où t’es ? » Les paroles de sa chanson, très touchantes, fredonnées sur tous les continents, raconte en fait son histoire, celle d’une enfance sans figure paternelle. Il s’en explique dans un interview au Parisien : « Mon père n’a jamais été là pour moi.. Il est parti tout de suite. C’était un coureur, un dragueur. J’ai appris bien après que j’avais des demi-frères et des demi-sœurs. Il était architecte et faisait des allers-retours entre la Belgique et le Rwanda. J’ai dû le voir ving fois dans ma vie, et il est mort pendant le génocide rwandais. Mais il avait déjà disparu pour moi. »

En écoutant Stromae évoquer avec pudeur et émotion son papa qu’il a si peu connu, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec le président américain Barack Obama, qui raconte dans son livre « Les rêves de mon père » une enfance sans son père, originaire du Kenya : « J’aurais voulu avoir un père non seulement présent, mais attentif, un autre modèle pour m’enseigner ce que ma mère m’a appris, la valeur du travail, l’intégrité, la responsabilité, la récompense qui suit, tout ce qui aide un enfant à construire son avenir ». C’est certainement pour cette raison qu’avant même d’être élu président, alors qu’il était encore en campagne, Barack Obama avait dénoncé avec vigueur dans ses discours les pères absents « qui ont fui leurs responsabilités et se comportent comme des gamins, pas comme des hommes ».

Il avait même pris le risque de se mettre à dos la communauté africaine-américaine, en dénonçant le fait qu’au sein de cette communauté, plus de la moitié des enfants vivent avec un seul parent, généralement leur mère, ce qui, selon les statistiques, les rendrait 5 fois plus enclins à quitter l’école avant l’heure, et 20 fois plus susceptible de finir en prison. « Nous avons besoin que les pères réalisent que leurs responsabilités ne s’arrêtent pas à la conception. Nous avons besoin qu’ils réalisent que ce qui fait un homme n’est pas la capacité d’avoir un enfant, mais le courage de les élever », avait notamment déclaré Barack Obama le 15 juin 2008, en pleine campagne électorale, dans une église de Chicago.

Promo image for Stromae's Papaoutai

On croirait entendre Stromae, en écho, dans sa chanson  Papaoutai ?  : «  Un jour ou l’autre, on sera tous papa – Et d’un jour à l’autre, on aura tous disparu – Dites-nous qui donne naissance aux irresponsables ? – Tout le monde sait comment on fait les bébés – Mais personne sais comment on fait des papas – Où est ton papa ? – Dis-moi où est ton papa ? » Stromae dit qu’avec sa chanson, il n’a pas voulu tomber dans le misérabilisme ; c’est pourquoi il a tenu à ce que son clip soit très coloré, avec des danseurs joyeux qui entourent ce papa immobile. « Ma mère nous a élevés seule avec mes frères. J’ai jamais eu la dalle, mais on n’avait pas de pognon. Ce n’était pas facile, mais ma mère s’est toujours démenée pour qu’on soit bien ». La mère de Paul Van Haver, le vrai nom de Stromae - qui porte précisément le patronyme de sa maman - doit aujourd’hui être fière de son rejeton. Tout comme l’était certainement Ann Dunham, la mère de Barack Obama, décédée en 1995, juste avant que son fils, déjà au bénéfice d’une brillante carrière, n’entre en politique.

(Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, le 14.12.2013)

28/11/2013

La Chine copie-colle villes et monuments

Imaginez le choc si un jour, vous découvriez que votre ville, l’un de ses monuments, ou encore votre bar préféré, ont été reproduits à l’identique à des milliers de kilomètres de chez vous... Eh bien, c’est exactement ce qui est arrivé au maire d’un petit village autrichien du nom de Hallstatt, qui a appris par hasard que son agglomération avait été clonée en Chine, au fin fond de la province de Guandong. Les 800 habitants de ce petit village très touristique, inscrit au patrimoine de l’Unesco, sont demeurés choqués en apprenant que leurs maisons, et même leur église, avaient été fidèlement copiés sous d’autres cieux, sans qu’ils n’en aient jamais été informés. Et ils ne sont pas les seuls. C’est également par hasard, en lisant un journal, que les habitants de Thames Town, petit ville typique d’Angleterre, avaient été informés que leurs rues avaient été plagiées dans la région de Shanghaï, avec son pub, ce bar typiquement britannique, et qu’on y sert même de l’authentique bière anglaise…

Cela fait en effet plusieurs années que les Chinois reproduisent avec une grande minutie des villes, des villages, des monuments, des châteaux vus ailleurs.  A Tiandu Cheng par exemple, à 200 km au sud-ouest de Shanghai, un projet urbanistique reproduit Paris, avec sa tour Eiffel de 108 mètres (un tiers de la hauteur originale), son Arc de Triomphe, des rangées d’immeubles « haussmanniens », à l’image de ceux qui furent construits entre 1850 et 1920 dans la capitale. Ce complexe résidentiel, prévu pour accueillir plus de 100'000 Chinois fortunés,  devrait être achevé en 2015. Pour l’instant, c’est plutôt une ville fantôme, qui accueille parfois des jeunes mariés, prenant la pose devant un Paris en toc.

Les Chinois ne sont certainement pas les seuls à s’enthousiasmer pour des villes ou des monuments découverts sous d’autres cieux, à tel point qu’ils ont voulu le reproduire chez eux. On peut par exemple citer la basilique Saint-Pierre de Rome clonée à Yamoussoukro, ville natale du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. Une basilique qui fut également répliquée à la fin du 19e siècle en plein centre de Montréal au Canada. Ou encore le Château de Versailles qui figure parmi les bâtiments les plus copiés au monde, puisqu’on en trouve des reproductions partielles ou complètes en Allemagne (le château de Herrenchiemsee que fit construire Louis II de Bavière), en Autriche (le château de Schönbrunn), en Italie (le palais de Caserte près de Naples), au Portugal (le palais de Queluz près de Lisbonne)…

Preuve que la magnificence de bâtiments laïcs ou religieux, la beauté de villes prestigieuses ou de villages typiques, inspirent régulièrement des pastiches architecturaux, que les gens ensuite apprécient ou non. L’apparition en Chine de villes ou monuments occidentaux copiés au détail près fait bien entendu l’objet de critiques. « Ils feraient mieux de sauvegarder leur propre patrimoine architectural, plutôt que de copier celui des autres », s’indigne ainsi un internaute. « S’ils veulent nous imiter, c’est que nous avons quelque chose d’original et la copie drainera peut-être des touristes chinois vers l’original », s’était en revanche réjoui le maire de Cadaquès, village espagnol de pêcheurs où vécut Salvador Dali, en voyant des architectes chinois prendre des photos et des mesures de son hameau, pour le reproduire à des milliers de kilomètres.

Alors, du toc ou de l’authentique ? Mais au fait, ces villes clonées par la Chine sont-elles si différentes des parcs à thèmes qui poussent partout comme des champignons, des hôtels et centres commerciaux de Dubaï ou de Las Vegas qui reproduisent Venise, Paris, ou s’inspirent de l’Egypte, où se ruent des touristes venus de partout ? Et si la Tour Eiffel de Tiandu Cheng n’était finalement pas si différente du château de la Belle au Bois Dormant de Disneyland Paris - copie conforme de l’original californien - où petits et grands vont se précipiter pour les fêtes de fin d’année ?

Publié dans le Courrier de Genève le 22 novembre 2013