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28/07/2014

Fashion faux pas à Abidjan

 

 

Lors de sa visite à Abidjan, la secrétaire d'Etat Annick Giradin a fait un "fashion faux pas" qui a choqué les Ivoiriens et enflammé la toile.

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Les Ivoiriens sont connus pour leur « chiquitude » et pour être stylés en toutes circonstances. Et leur classe politique n’est pas en reste, à commencer par le couple présidentiel, aux tenues toujours parfaites, tout comme celles des membres du gouvernement. C’est dire si la Côte d’Ivoire est demeurée bouche bée en découvrant l’accoutrement d’Annick Girardin, la secrétaire d’Etat au développement et à la francophonie, lors de sa descente d’avion, aux côtés du président français François Hollande et de ses ministres, en visite officielle à Abidjan le 17 juillet dernier : petite veste noire mal coupée d’où dépassait un T-shirt improbable, pantalons à carreaux couleur grisouille, et surtout, surtout, énormes baskets blanches, avec rabat et semelles compensées, pour fouler le tapis rouge...

Du coup, les réseaux sociaux se sont emparés de l’affaire et ont été mis à contribution pour exprimer stupeur et indignation : « Madame Annick Girardin se croyait en brousse ? Comportement très insultant pour l’Afrique », « A moins qu’Annick Girardin estime qu’une visite officielle dans un pays africain ne mérite pas une meilleure tenue ? Honte à François Hollande », « La classe à la française », peut-on y lire. Même le très sérieux hebdomadaire Jeune Afrique publiait, dès le lendemain, un article sur son site, pour dénoncer le « fashion faux pas » d’Annick Girardin.

Cette anecdote m’a rappelé d’autres sorties d’avions détonantes. Telle celle de Jean-Christophe Mitterrand, lorsqu’il était le Monsieur Afrique de son président de père, et qu’il portait volontiers une chemise hawaïenne multicolore lorsqu’il débarquait sur le continent. Il était alors accueilli à sa sortie d’avion par des officiels en costumes sombres, très chics et très classes, coupés sur mesure par les plus grands couturiers parisiens. Ou encore Bernard Kouchner, l’ex-ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, qui adorait porter un « abacost » avec col Mao lorsqu’il se rendait en Afrique centrale, renouant ainsi avec la mode en vigueur dans l’ex-Zaïre, du temps du maréchal Mobutu. Pensait-il faire ainsi couleur locale ? Ou était-ce simplement sa manière à lui d’être chic en Afrique ?

L’Afrique exige-t-elle d’ailleurs un « dress code » particulier ? On pourrait le penser en découvrant certaines tenues, sorties tout droit du petit film que chacun se fait lorsqu’il pose un pied sur terre africaine. La chanteuse Madonna, lorsqu’elle s’était rendue au Malawi pour faire son « marché aux enfants », avait par exemple opté pour un look résolument guerrier : pantalon treillis camouflage, bottes noires montantes style rangers ; il ne manquait plus que la kalachnikov en bandoulière. Pourtant, ni groupes rebelles, ni milices armées n’avaient été signalées dans le pays. On croise aussi des adeptes de la mode tirée du film américain « Out of Africa » : dégradé de tons beiges et ocres, couleur terre africaine, mousseline légère pour elle, chemise en lin pour lui - et moustiquaire pour tout le monde. Ou encore des baroudeurs style Camel Trophy, avec gilet multipoches et kit de survie, même pour sillonner les capitales.

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Le fashion faux-pas de la secrétaire d’Etat française Annick Girardin montre en tout cas à quel point les tenues des femmes et des hommes politiques sont scrutées, analysées jusque dans leurs moindres détails, par une opinion publique qui ne pardonne aucune faute de goût. Le président François Hollande lui-même en fait régulièrement les frais. Sa cravate de travers, sa manche de chemise qui dépasse, ses costumes trop ajustés qui le boudinent, rien ne lui est épargné. Le site intitulé « François, ta cravate ! » a ainsi recensé que le président de la République aurait porté 568 fois sa cravate de travers en 1171 apparitions publiques… Dernier look raté : son pantalon de smoking, trop long, qui tire-bouchonne sur ses chaussures vernies, lors du dîner officiel organisé à l’Elysée en l’honneur de la Reine d’Angleterre. « Accident de pantalon à l’Elysée. Une victime » a aussitôt tweeté, impitoyable, un chroniqueur politique.  

02/07/2014

Affamés de terres

En cette année 2014 proclamée Année internationale de l’agriculture familiale par les Nations Unies, les petits producteurs sont à l’honneur. Gouvernements et organisations internationales leur rendent hommage, expliquent que ce sont eux qui nourrissent le monde et gèrent la majeure partie des terres agricoles de la planète. Mais au-delà de ces hommages appuyés, de ces images bucoliques, nous n’avons droit qu’à peu d’informations sur l’extraordinaire concentration des terres agricoles à laquelle nous assistons aujourd’hui. Avec, comme corollaire, un nombre croissant de paysans chassés de leurs terres, obligés d’émigrer, et qui forment le gros des miséreux affamés essayant de survivre à la périphérie des mégalopoles.

C’est là tout le mérite du document “Affamés de terre” de nous le rappeler, produit par Grain, petite organisation internationale basée à Barcelone, qui, régulièrement, bat en brèche des idées reçues, et publie des informations qui font référence en matière de lutte des petits agriculteurs ou d’accaparement des terres. Ce document décrit de manière saisissante comment les grandes exploitations ont gagné du terrain, sur tous les continents, au détriment des exploitations familiales.

Culture industrielle de soja au Brésil (photo Reuters)

La situation qui prévaut en Europe est particulièrement dramatique, puisqu’elle a vu la disparition de millions de fermes familiales, en raison de politiques agricoles qui privilégient systématiquement les grandes exploitations. En Europe de l’Est, le processus de concentration des terres a démarré en trombe dans la foulée de la chute du Mur de Berlin. L’ouverture des marchés est-européens aux produits agricoles subventionnés d’Europe de l’Ouest a mis sur la paille des centaines de milliers de petits agriculteurs, tandis que les exploitations agro-industrielles ont fait main basse sur leurs terres.

C’est bien là tout le paradoxe : ce sont bel et bien les petits producteurs qui nourrissent le monde, mais c’est désormais en gérant moins d’un quart de l’ensemble des terres agricoles qu’ils le font. Et les petits et moyens agriculteurs sont contraints de travailler sur des parcelles de plus en plus petites. Car la lutte pour le contrôle des terres est de plus en plus âpre et violente. L’agriculture industrielle se répand sur tous les continents pour cultiver sur des millions d’hectares du soja, du palmier à huile, de la canne à sucre, du colza, destinés à l’exportation, exigés par millions de tonnes par le secteur agro-alimentaire. Du coup, ce sont autant d’hectares de bonnes terres agricoles qui sont détournées de la production alimentaire directe, pour aller, entre autres, remplir nos réservoirs sous forme d’agrocarburants.

La rapide expansion d’immenses exploitations industrielles produisant des matières premières agricoles est un phénomène relativement récent en Afrique, mais existe depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays d’Amérique latine, avec la culture intensive de soja transgénique en Argentine et au Brésil, destiné au bétail européen et désormais chinois; ainsi que dans plusieurs régions d’Asie, avec la culture de palmier à huile en Indonésie et en Malaisie. Et à la clé, d’énormes dégâts sociaux et environnementaux.

Le comble est qu’on nous répète en boucle, depuis des dizaines d’années, que l’agriculture industrielle serait plus efficace, plus productive, et donc indispensable pour faire face aux défis alimentaires de la planète. Or - et c’est là un des mérite de l’organisation Grain de le rappeler - on constate que ce sont bien plutôt les petites fermes qui sont plus productives que les exploitations industrielles, puisque ce sont elles qui produisent les denrées alimentaires qui iront alimenter les marchés locaux et nationaux.

Il est en tout cas certains que la libéralisation des investissements et du commerce, la privatisation de l’agriculture et le recours au génie génétique, qui sont régulièrement préconisés pour augmenter la production alimentaire, vont engendrer de nouvelles catastrophes. Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation a récemment rappelé que la production alimentaire mondiale pourrait doubler en dix ans, si des mesures politiques correctes étaient mises en oeuvre pour aider les petits producteurs et l’agriculture traidtionnelle. Puisse-t-il être entendu en cette Année internationale de l’agriculture familiale.

02/06/2014

La pollution sonore rend la vie dure aux citadins

Les métropoles sont des usines à bruits qui rendent la vie des citadins de plus en plus pénible. C’est ainsi qu’au Caire, les autorités égyptiennes, conscientes du problème, ont lancé une campagne nationale de lutte contre la pollution sonore. C’est que chaque jour, dès l’aube, une cacophonie infernale s’empare de cette ville de quelque 20 millions d’habitants. Ce sont tout d’abord les klaxons, utilisés sans modération et par pure réflexe par les conducteurs de quelque 1,6 million de voitures, dont 80’000 taxis. A cela s’ajoutent la musique à tue-tête, les télévisions à fond, les cris des marchands ambulants, ainsi que les bruits générés par d’innombrables ateliers. Sans oublier les appels à la prière cinq fois par jour diffusés au moyen de puissants haut-parleurs à partir de centaines de minarets, que le gouvernement égyptien tente de synchroniser pour diminuer les nuisances sonores de la capitale.

La mise en place d’un ’”appel unifié” à la prière soulève d’ailleurs des palabres sans fins entre partisans de la tradition et celles et ceux qui n’en peuvent plus de cette course aux décibels entre muezzins, avec micros réglés au maximum. Dans la zone du Grand Caire, dès l’aube jusque tard dans la nuit, le taux de pollution sonore varie en tout cas entre 85 et 90 décibels et même au-delà. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) - qui place la pollution sonore juste après celles de l’air et de l’eau sur l’échelle des nuisances qui affectent l’humanité -  situe la limite du supportable aux alentours des 45 décibels le jour et 35 la nuit. Au delà, l’OMS nous promet toute une série de troubles et de maladies. Une étude réalisée sur environ 25’000 adultes a d’ailleurs permis d’établir un lien entre la pollution sonore dans les rues et l’hypertension qui affecte un nombre croissant de personnes.

Mais le Caire n’est pas une exception. Mexico ou Buenos Aires sont connues pour leurs niveaux sonores hallucinants, tout comme Shanghai où les autorités chinoises tentent d’interdire les klaxons dans le centre-ville. Abidjan et les autres mégalopoles africaines ne sont bien entendu pas en reste. Truffées de gargotes, boîtes de nuit et autres maquis, mais aussi d’églises évangéliques dont les séances de prière ou d’exorcisme s’étalent souvent jusqu’au petit matin, les riverains ne savent plus vers qui se tourner pour faire respecter leur sommeil.

Les pays européens ont entamé un combat contre la pollution sonore dès les années 80 et dégagé des moyens financiers importants pour y parvenir. Ce qui n’empêche pas de constater qu’un niveau sonore excessif continue d’être à l’origine de près de 2% des crises cardiaques européennes. Mais dans les métropoles économiquement sinistrées, prises d’assaut chaque année par des milliers de nouveaux arrivants nécessiteux, c’est une autre paire demanches. La lutte pour la survie est bruyante. Et les places sont chères sur les trottoirs où profilèrent les petits métiers, générateurs de décibels.

Résultat : pour échapper au brouhaha des mégalopoles surpeuplées, les citadiens qui en ont les moyens s’en vont. Des milliers de Cairotes sont ainsi partis habiter dans les nouveaux quartiers qui émergent dans le désert, afin de goûter au luxe suprême de vivre dans un environnement tranquille. Tandis qu’à Mumbai en Inde, les quartiers résidentiels privés connaissent un boom spectaculaire.

Et tandis que les humains, sur la Terre, cherchent à échapper à un incessant vacarme, les mammifères marins, eux, sont également perturbés par la pollution sonore sous-marine provoquée par le bruit des bateaux et autres porte-conteneurs dont le nombre a explosé, ainsi que par les sonars civils et militaires. Peut-être faudra-t-il bientôt migrer sur d’autres planètes pour enfin jouir de ce qui devient de plus en plus un luxe inaccessible : le parfait silence.