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20/04/2014

Revoilà Ebola !...

«Psychose Ebola!». Ce titre qui barre la une du grand quotidien Fraternité Matin d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, donne bien la mesure de la peur qui s’est abattue sur l’Afrique de l’Ouest, depuis que des cas de fièvre Ebola ont été décelés en Guinée, puis au Liberia et en Sierra Leone voisins, et tout récemment au Mali. C’est la Guinée qui, pour l’instant, est la plus touchée, avec une centaine de cas mortels. Mais c’est toute la sous-région qui retient son souffle, tant ce virus hautement contagieux, mortel à 90%, et pour lequel il n’existe aucun traitement, inspire de craintes.

Virus Ebola : Le Sénégal tourne le dos à la Guinée

C’est la première fois que l’Afrique de l’Ouest est touchée de manière aussi importante, les épidémies de fièvre Ebola ayant jusqu’ici surtout affecté l’Afrique centrale, la République démocratique du Congo (RDC), le Gabon, l’Ouganda. Ebola est d’ailleurs le nom d’une rivière qui coule près de la ville de Yambuku en RDC; c’est précisément à l’hôpital de cette petite ville que fut identifié pour la première fois, en 1976, le mortel virus.

Du coup, les contrôles sanitaires se sont renforcés aux frontières des pays ouest-africains, sans aller, pour l’instant, jusqu’à leur fermeture. Les autorités de la région ont lancé des campagnes de sensibilisation informant que la contamination se fait le plus souvent via des singes, eux-mêmes infectés par des chauves-souris, identifiées comme le réservoir naturel du virus. Plusieurs pays ont interdit à leurs populations de chasser et de manger de la viande de brousse, pour tenter de limiter au maximum la propagation du virus.

Cela rappelle qu’au milieu des années 1990, en Côte d’Ivoire, une chercheuse suisse avait été contaminée par le virus de la fièvre Ebola, après avoir autopsié un chimpanzé infecté. Hospitalisée à Abidjan, puis évacuée en Suisse, elle n’avait pas tardé à guérir. Elle faisait partie de l’équipe du primatologue d’origine suisse Christophe Boesch, qui a étudié les chimpanzés pendant plus de trente ans dans le parc national de Taï, l’une des dernières forêts primaires de la planète, située à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia.

Le fait qu’à cette époque, une douzaine de chimpanzés appartenant à la colonie étudiée par Christophe Boesch furent retrouvés morts après avoir été contaminés par Ebola avait convaincu une équipe de chercheurs scientifiques, appuyée par l’OMS, de démarrer un projet pour rechercher dans cette zone le réservoir du virus, c’est-à-dire l’animal qui l’abrite en permanence, mais sans être infecté, et qui n’avait encore jamais été identifié.

Christophe Boesch Researches the Ebola Virus in Cote d'Ivoire

© Patrick Robert/Sygma/CORBIS - Autopsie d'un singe infecté par Ebola dans la forêt de Taï, menée par l'équipe du Suisse Christophe Boesch (1.3.96)

C’est ainsi qu’au cœur de la forêt de Taï, un alpiniste suisse, spécialisé dans la construction de plates-formes, en avait construit une dizaine, à une trentaine de mètres du sol, sur les circuits empruntés par les chimpanzés. Puis des rats, des écureuils volants, des musaraignes, des chauves-souris et toutes sortes d’oiseaux servant de festin aux grands singes, vivant à la canopée des arbres, avaient été capturés. Les prélèvements recueillis sur ces petits animaux avaient été envoyés en laboratoire pour y être examinés. Mais aucune certitude claire n’en était ressortie. Des recherches de terrain se sont encore poursuivies ailleurs pendant des années, dans d’autres pays, tendant à prouver que les «porteurs sains» de ce virus seraient des chauves-souris.

Reste que chaque nouvelle apparition du virus Ebola s’accompagne également d’une véritable fièvre médiatique, tant cette maladie étrange réveille des peurs ancestrales. Un film hollywoodien intitulé Alerte, sorti en 1995, avec Dustin Hoffmann et Morgan Freeman, s’était largement inspiré des épidémies de fièvre Ebola au Zaïre à cette époque; il mettait en scène l’histoire d’un virus mortel qui se propage à toute vitesse à travers les Etats-Unis, introduit par un grand singe contaminé, capturé en Afrique centrale. De quoi faire frissonner la planète toute entière !

Alerte

 

18/03/2014

Les dictateurs, rois du kitsch et du bling-bling

 

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Les dictateurs aiment le kitsch et le bling-bling. Comme le prouve le palais de l'ex-président d'Ukraine, dont le luxe délirant n'avait rien à envier à ceux de Kadhafi, Ben Ali, Mobutu ou Bokassa.

Sols marbrés, escaliers en colimaçon, grotte aquarium, fauteuils rococos, salons en enfilades avec leurs colonnades « à la grecque », bidets, toilettes et baignoires soutenus par des pieds en forme de pattes d’oiseau dorées, sofas géants… Les Ukrainiens ont fait la queue pendant plusieurs jours pour visiter le palais de leur président Viktor Ianoukovitch, chassé du pouvoir le 22 février dernier. Avec leur téléphone portable, ils ont immortalisé le luxe écoeurant dans lequel se vautraient le dictateur, sa famille, ses courtisans, alors que son peuple croupissait dans la misère.

Le président, qui voyait grand, avait même fait construire un galion, réplique d’un de ces voiliers mythiques qui sillonnaient les mers au 16e siècle, pour l’amarrer dans le canal construit au cœur de la propriété. Mi-amusés, mi-furieux, les Ukrainiens ont pris la pose devant les dorures des fausses colonnes grecques, ou à côté des animaux exotiques du zoo privé de l’ex-propriétaire.

Ces scènes rappellent d’autres scénarios quasiment identiques. Rappelez-vous de la stupeur des miliciens armés et de la population libyenne lorsqu’ils pénétrèrent dans les palais de Kadhafi, avec ses piscines intérieures, le canapé doré en forme de sirène à l’effigie d’Aïcha, la fille chérie du roi des rois d’Afrique. Pareil pour les palais du président Ben Ali, d’un luxe inouï ;  ou encore ceux de Saddam Hussein, investis par des soldats américains,  à peine sortis de leur brousse étasunienne, et qui se retrouvaient à prendre la pose dans des palais des Mille et une Nuits.

Ce qui frappe dans tous ces palais, y compris ceux des dictateurs roumain Ceaucescu, centrafricain Jean-Bedel Bokassa, zaïrois Mobutu Sese Seko, ou philippin Ferdinand Marcos, c’est la persistance d’un style de décoration tape-à-l’œil, bling-bling, plein de dorures, de marbre et de clinquants, marqué par un saisissant décalage historique et géographique, les styles napoléonien, Louis XIV "à laVersaille" mais aussi Grèce antique se mélangeant allègrement.  Ce style relève le plus souvent du kitsch et du mauvais goût le plus outrancier – même s’il est bien entendu que ce qui peut apparaître à certains comme le comble du kitsch peut représenter ailleurs le summum du chic.  

Impressionnant également de constater à quel point l’architecture des régimes totalitaires, sous toutes les latitudes, est souvent monumentale et d’inspiration classique, comme si elle visait à impressionner les masses. Y compris par l’érection de statues colossales à l’effigie du guide suprême, destinées à tenir le peuple en respect. Les statues sont d’ailleurs souvent les premiers symboles auxquels les foules en colère s’attaquent, pour les détruire; en même temps que s’organisent les pillages des dorures, carrelages, portes, meubles, vaisselle, baignoires… Comme après le passage de criquets-pèlerin,  il ne reste souvent plus grand-chose dans les châteaux après le passage des gueux qui prennent leur revanche sur l’Histoire, le temps qu’un nouveau monarque s’installe. 

A chaque nouveau pillage de palais présidentiel, je repense au palais de l’empereur Jean-Bedel Bokassa à Berengo, en Centrafrique, que j’avais eu l’honneur de visiter quelques années après son renversement. Dans la chambre nuptiale dévastée trônait encore, renversé, un lit rond à moteur, recouvert de lambeaux de velours rouge. Dans les jardins gisaient des statues en bronze de l’empereur, encore à moitié dans leur emballage d’origine, qui n’avaient pas eu le temps d’être dressées à un carrefour de Bangui. De quoi se convaincre, s’il en était besoin,  de la relativité de toute chose ici-bas.

24/02/2014

Elle court, elle court, la rumeur...

Lorsque la rumeur se répand et échauffe les esprits, les démentis sont souvent impuissants à la désamorcer, ou au contraire la renforcent. Et rien ni personne ne peut en venir à bout. Jusqu’à ce qu’elle s’apaise d’elle-même, vogue vers d’autres contrées, ou non.

C’est l’amère expérience que font depuis des mois, voire des années pour certains, des maires de villes françaises, accusés par une rumeur persistante de faire venir chez eux, avec compensation financière à l’appui, des hordes d’étrangers, d’origine africaine, résidant dans  le « 9-3 », un département dans la banlieue parisienne.

Les élus des villes du Man, de Poitiers, Reims, Vichy, Limoges, Niort, Châlon-en-Champagne, et même de Tulle, le fief du président François Hollande, ont beau s’époumoner, démentir avec la dernière énergie, dire qu’il ne s’agit là que de ragots de bas étage, rien n’y fait… La rumeur ne cesse d’enfler. A tel point que l’une des dernières éditions d’Envoyé Spécial,  la prestigieuse émission de reportage de France 2, y a consacré une enquête détaillée.

La maire de Niort, dans les Deux-Sèvres, Geneviève Gaillard, a finalement décidé de porter plainte, après avoir tout essayé. Elle a même été mise en cause personnellement dans sa vie privée, puisque la rumeur a couru qu’elle s’était mariée avec une personne d’origine africaine. Le texte de la plainte fait état de rumeurs qui prétendent « que des personnes de couleur noire, originaires de Seine-Saint-Denis ou d’ailleurs, mais en tout cas d’origine non-niortaise, sont réputées faire courir à la population un risque d’augmentation de la délinquance ». Cette rumeur a été qualifiée de raciste par de nombreux médias et personnalités politiques.

Dans la même veine, à Châlons-en-Champagne, le maire Benoist Apparu, est accusé de « faire venir des trains spécialement d’Ile-de-France, de voter des subventions en faveur de ces populations, d’octroyer la gratuité du permis de conduire, ou encore de percevoir 6000 euros par personne accueillie ».  Tout est faux, et le maire a également déposé plainte. En filigrane, les élus, de tous bords politiques, suspectent des groupuscules et des personnes proches du Front National de répandre ces rumeurs, pour attiser les craintes et les ressentiments de la population.

Du coup, les spécialistes en « légendes urbaines », comme on dit, se sont emparés de l’affaire, pour expliquer qu’il n’y avait pas de bonne solution : en restant muets, les élus contribuent à alimenter les fantasmes. Le démenti ne fonctionne pas non plus. La plainte en revanche, même si elle n’aboutit pas, peut se révéler payante, car elle s’accompagne d’une enquête indépendante. Mais dans tous les cas de figure, les dégâts sont énormes.

Sous toutes les latitudes, des rumeurs plus ou moins farfelues enflamment les esprits. Qui ne connaît pas la rumeur des voleurs ou rétrécisseurs de sexe, qui a touché tour à tour tous les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, ou encore celle des numéros de téléphone qui tuent ? Une constante : les personnes mises en cause sont le plus souvent des étrangers. Et les issues sont parfois dramatiques, avec mort d’homme à la clé. C’est ce qui s’était passé en octobre dernier à Madagascar, après la découverte du corps mutilé d’un enfant de 8 ans, rejeté par la mer sur une plage. Deux Européens accusés d’être à l’origine d’un trafic d’organes, ont été brûlés vifs par les villageois, pris d’une folie collective. Sans aucune preuve de la culpabilité des deux « Blancs ».

Les chefs d’Etat sont eux aussi régulièrement sujets des rumeurs les plus folles. Le mois dernier, c’est le chef de l’Etat rwandais Paul Kagamé qui en a fait les frais, avec l’annonce de sa mort, relayée sur les réseaux sociaux. A tel point que des habitants de Goma, dans l’est de la RDC, sont descendus dans la rue pour manifester leur joie ; des jeunes ont même défilé avec un cercueil symbolique. Après le démenti de la fausse nouvelle, le hit-parade des « nécrologies anticipées les plus populaires » s’est aussitôt retrouvé sur facebook et twitter…