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17/12/2013

De Stromae à Obama : papaoutai (papa où t'es) ?

Qui ne connaît pas Stromae (Maestro en verlan) ? Il a 28 ans, est métis, né d’une mère belge et d’un père rwandais. Et il enflamme les pistes de danse du monde entier avec ses tubes aux paroles si profondes. C’est le cas de sa chanson intitulée « Papaoutai », transcription phonétique de « Papa où t’es ? », dont l’incroyable clip a déjà été visionné 8,6 millions de fois sur YouTube. Le jeune dandy aux vêtements bariolés y incarne une figure paternelle étrange, telle une statue de cire immobile. En face de lui, un enfant, son fils, essaye de le faire réagir, de capter son attention.


« Dites-moi d’où il vient – Enfin je saurai où je vais - Ah sacré papa, dis-moi où es-tu caché – Où t’es, papa où t’es ? » Les paroles de sa chanson, très touchantes, fredonnées sur tous les continents, raconte en fait son histoire, celle d’une enfance sans figure paternelle. Il s’en explique dans un interview au Parisien : « Mon père n’a jamais été là pour moi.. Il est parti tout de suite. C’était un coureur, un dragueur. J’ai appris bien après que j’avais des demi-frères et des demi-sœurs. Il était architecte et faisait des allers-retours entre la Belgique et le Rwanda. J’ai dû le voir ving fois dans ma vie, et il est mort pendant le génocide rwandais. Mais il avait déjà disparu pour moi. »

En écoutant Stromae évoquer avec pudeur et émotion son papa qu’il a si peu connu, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec le président américain Barack Obama, qui raconte dans son livre « Les rêves de mon père » une enfance sans son père, originaire du Kenya : « J’aurais voulu avoir un père non seulement présent, mais attentif, un autre modèle pour m’enseigner ce que ma mère m’a appris, la valeur du travail, l’intégrité, la responsabilité, la récompense qui suit, tout ce qui aide un enfant à construire son avenir ». C’est certainement pour cette raison qu’avant même d’être élu président, alors qu’il était encore en campagne, Barack Obama avait dénoncé avec vigueur dans ses discours les pères absents « qui ont fui leurs responsabilités et se comportent comme des gamins, pas comme des hommes ».

Il avait même pris le risque de se mettre à dos la communauté africaine-américaine, en dénonçant le fait qu’au sein de cette communauté, plus de la moitié des enfants vivent avec un seul parent, généralement leur mère, ce qui, selon les statistiques, les rendrait 5 fois plus enclins à quitter l’école avant l’heure, et 20 fois plus susceptible de finir en prison. « Nous avons besoin que les pères réalisent que leurs responsabilités ne s’arrêtent pas à la conception. Nous avons besoin qu’ils réalisent que ce qui fait un homme n’est pas la capacité d’avoir un enfant, mais le courage de les élever », avait notamment déclaré Barack Obama le 15 juin 2008, en pleine campagne électorale, dans une église de Chicago.

Promo image for Stromae's Papaoutai

On croirait entendre Stromae, en écho, dans sa chanson  Papaoutai ?  : «  Un jour ou l’autre, on sera tous papa – Et d’un jour à l’autre, on aura tous disparu – Dites-nous qui donne naissance aux irresponsables ? – Tout le monde sait comment on fait les bébés – Mais personne sais comment on fait des papas – Où est ton papa ? – Dis-moi où est ton papa ? » Stromae dit qu’avec sa chanson, il n’a pas voulu tomber dans le misérabilisme ; c’est pourquoi il a tenu à ce que son clip soit très coloré, avec des danseurs joyeux qui entourent ce papa immobile. « Ma mère nous a élevés seule avec mes frères. J’ai jamais eu la dalle, mais on n’avait pas de pognon. Ce n’était pas facile, mais ma mère s’est toujours démenée pour qu’on soit bien ». La mère de Paul Van Haver, le vrai nom de Stromae - qui porte précisément le patronyme de sa maman - doit aujourd’hui être fière de son rejeton. Tout comme l’était certainement Ann Dunham, la mère de Barack Obama, décédée en 1995, juste avant que son fils, déjà au bénéfice d’une brillante carrière, n’entre en politique.

(Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, le 14.12.2013)