Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/05/2009

La Poste, version souk

Est-ce bien raisonnable ?

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 17 mai 2009

 

La Poste, version souk

 

Pénétrer dans un bureau de poste est devenu une véritable aventure. Et pour se frayer un chemin jusqu’aux guichets, à travers la jungle des Postshops, une machette à la Indiana Jones peut se révéler fort utile.

 

A l’entrée, une exposition de machines à café, en face, une paroi de porte-monnaie et de parapluies. Un peu plus loin, c’est le Postshop voyage, avec ses cordes à sécher le linge et ses coussins gonflables, qui vous aide à patienter dans la file d’attente, le long des DVD en promotion.

 

Encore un petit virage, et hop, nous voilà à la hauteur du Postshop loisirs, pelles en plastique, bulles de savon en vrac. Le rayon livres jouxte le distributeur à boissons, tandis qu’au loin, on aperçoit enfin les guichets. Encore une ultime montagne de bonbons et de chocolats à franchir avant de tomber nez à nez avec le hit du mois : un ventilateur à l’effigie de Bob l’éponge. « Vous prendrez bien un billet de loterie, une vignette auto ? » demande alors la dame du guichet.

 

La Poste est devenue un vaste souk dans lequel on trouve de tout, un grand bazar qui donne le tournis. A tel point que lorsqu’on pénètre dans un bureau de poste en Tunisie ou en Egypte, on apprécie le dépouillement des lieux : le souk, lui, demeure à l’extérieur.

 

Mais plus « notre » Poste entasse de fourbi dans ses offices, plus elle néglige sa mission. A coups de restructurations concoctées par ses top managers décidément très inspirés, le géant jaune n’en finit plus de supprimer des emplois, des prestations, des bureaux de poste : 1500 d’entre eux ont déjà été rayés de la carte, plusieurs centaines sont en train d’être « analysés ». Même les boîtes aux lettres disparaissent en douce, sans crier gare.

 

Mais l’idée de génie qui permettra de relever les défis du futur s’intitule « la Poste dans l’épicerie du village », nom de code Ymago. Il suffisait d’y penser : vos commandements de payer vous seront notifiés entre pommes et fromage. Et pour faire leurs paiements, les usagers n’auront qu’à rouler quelques kilomètres.  

 

Résultat des courses : alors que le personnel de la poste est sommé de se transformer en kiosquier et en vendeur de tickets de tribolo, les épiciers suivent des cours pour arriver à faire les postiers. Et qui aura pitié des vrais kiosquiers qui se font piquer tous leurs produits ?

 

Mais dans ce monde de brutes en pleine mutation, la Poste nous offre jusqu’en septembre une pause douceur : des animaux en peluche, qui récompensent les clients qui font leur marché dans les bureaux de poste. On demeure ébloui par une stratégie marketing qui génère un tel bric-à-brac.  

 

 

 

 

 

 

03/05/2009

Un clone dans le désert

Est-ce bien raisonnable ?

 

Un clone dans le désert

par Catherine Morand, journaliste - Le Matin dimanche - le 3 mai 2009

 

Il y a une quinzaine de jours, le Centre de reproduction des camélidés de Dubaï annonçait fièrement avoir créé le premier dromadaire cloné, une femelle aussitôt baptisée Injaz, ce qui veut dire « réalisation » en arabe. Ce centre financé par l’émir de Dubaï ambitionne d’améliorer la production laitière et surtout la performance des dromadaires lors des courses, un sport très prisé dans la région. L’émir Cheick Mohamed Ibn Rached Al Maktoum possède d’ailleurs une des plus belles écuries de dromadaires de course au monde.

 

Cette « Dolly arabe », fruit de cinq ans de travail acharné, vient s’ajouter à la longue liste des clones de vaches, taureaux, cochons, souris, chats, chiens, lapins, fabriqués dans des laboratoires du monde entier. Le premier prototype, la fameuse brebis Dolly, créée en 1996, avait été euthanasiée six ans plus tard, pour cause de vieillissement prématuré. Cela n’a pas empêché les Etats-Unis, qui ont toujours une longueur d’avance lorsqu’il s’agit de gastronomie, d’autoriser en 2008 la consommation de viande et de lait de clones de bovins.

 

Clonées à tout va, reproduites à la chaîne, élevées industriellement, transformées en petites usines à viande, à lait, à œufs, et même génétiquement modifiées – la firme Monsanto a fait breveter des gènes de porc - nos amies les bêtes ne sont plus vraiment à la fête. Et nous non plus.

 

La nouvelle souche de la grippe porcine, ou plutôt A(H1N1), qui est un cocktail génétique de plusieurs souches de virus de grippe, semble trouver son origine du côté des élevages industriels mexicains et américains. Depuis l’installation d’une gigantesque ferme porcine appartenant à une filiale de Smithfield Foods, le numéro un mondial de la charcuterie, les habitants du village de La Gloria dans l’Etat mexicain de Veracruz souffrent de maladies respiratoires.

 

C’est là que le premier cas de cette grippe, celui d’un garçonnet de 4 ans, fut diagnostiqué le 2 avril dernier, dans un environnement qui représente une véritable bombe à retardement pour les épidémies mondiales : une région rurale pauvre, truffée d’élevages intensifs de porc et de volaille appartenant à des sociétés transnationales, qui s’autorisent des comportements sanctionnées ailleurs.

 

Après l’encéphalite spongiforme bovine ou maladie de la vache folle, la grippe aviaire, la tremblante du mouton, et maintenant la grippe A(H1N1), peut-être serait-il raisonnable de renoncer à abandonner notre alimentation - et nos amies les bêtes - entre les mains d’apprentis sorciers totalement irresponsables.

 

18/04/2009

Expert ès système D

Est-ce bien raisonnable ?

 

Par Catherine Morand,  journaliste - le 19 avril 2009 - Le Matin Dimanche

 

Expert ès système D

 

Aux Etats-Unis, les signes apparents de la crise se multiplient, et la panique s’installe. Des magasins ferment les uns après les autres, les sociétés licencient à tour de bras. Les plus chanceux cumulent plusieurs petits jobs, pour tenter de garder la tête hors de l’eau. Le rêve américain dort désormais sous tente, dans des « tent cities » installées sur des terrains vague, ou dans des motels bon marché, le long des autoroutes. C’est le dernier refuge d’une classe moyenne qui a tout perdu : maison, job et l’assurance-maladie qui va avec. Des enfants qui, il y a peu, vivaient en zone résidentielle, font désormais leurs devoirs dehors, sur les trottoirs.

 

La crise, qui a gagné l’Europe, semble bien installée. Les pays occidentaux sont-ils en voie de tiers-mondisation ? C’est la question que je me suis posée l’autre jour à un feu rouge, lorsque deux jeunes ont surgi pour laver mon pare-brise. Une scène inhabituelle ici, mais qui, sous d’autres cieux, fait depuis longtemps partie du quotidien. Visiblement, nous allons devoir nous adapter à un contexte qui est nouveau pour nous. Dès lors, ne serait-il pas raisonnable de faire appel à des experts qui viendraient nous apprendre à (sur)vivre en temps de crise ?

 

Ces experts de haut niveau, on peut les trouver à Madagascar, en Bolivie ou en Indonésie, des pays qui, en matière de galère, ont bien une vingtaine d’années d’avance sur nous. A bord de puissants 4x4, ils pourraient venir sillonner nos bourgades les plus reculées pour nous enseigner les ficelles du système D, « D » comme débrouille. Un art de vivre qu’ils maîtrisent à la perfection.

 

Il n’y a plus de travail ? Les banques ne font plus crédit ? Pas de problème. Nos conseillers ès débrouillardise nous apprendront à nous inventer comme eux un petit boulot et nous familiariseront avec toute la gamme des petits métiers qui permettent de survivre en temps de crise. S’ils acceptent de nous initier, nous pourrions aussi nous mettre aux tontines, qui regroupent des personnes qui mettent leur épargne en commun, avec tournus de pécule bienvenu à la clé.

 

Grâce à leurs conseils, et si nous nous donnons de la peine, nous devrions pouvoir nous aussi nous en sortir. Déjà, aux Etats-Unis, il est à nouveau permis d’élever des poules, même en pleine ville. Cultiver son potager est devenu terriblement trendy depuis que la Première Dame a manié la binette dans les jardins de la Maison Blanche. En France, la création d’auto-entreprises, dans laquelle on s’emploie soi-même, connaît un succès spectaculaire. Le troc et la co-location ont le vent en poupe. L’imagination est de retour. Vive la crise !