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29/06/2009

T-shirts Ben Laden ou Obama ?

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 28 juin 2009

  

L’Obamania qui avait enflammé l’Afrique au moment de la campagne présidentielle américaine n’est de loin pas retombée. Sur les marchés d’Abidjan, d’où j’écris ces quelques lignes, l’effigie de Barack Obama se décline en T-shirts, calendriers, casquettes, mais aussi à l’arrière des minibus de transport, sur les enseignes des maquis-restaurants et celles des coiffeurs, où l’on vous propose volontiers  la coupe du président américain. Au Niger, si l’on continue d’appeler « Bush » les chiens errants, on donne en revanche le surnom affectueux d’ « Obama » aux enfants brillants et prometteurs.

 

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, au plus fort de l’ère Bush, c’est la tête d’Oussama Ben Laden que les jeunes et même les cadres arboraient ostensiblement sur leurs T-shirts, de Nouakchott à Douala, pour marquer le rejet et le dégoût que leur inspirait la politique américaine. Aujourd’hui, les mêmes portent une casquette « Yes we can ». C’est dire l’ampleur du changement.

 

L’ascendance africaine de Barack Obama joue certes un rôle dans cet élan général de sympathie qui génère d’innombrables fans clubs. Mais il y a plus que cela. Les gens suivent et lisent avec attention ses discours brillants et profonds et espèrent qu’avec lui s’ouvre « une nouvelle ère moins heurtée pour l’humanité », comme le soulignait un quotidien sud-africain.

 

Pour sa première visite officielle en Afrique subsaharienne les 10 et 11 juillet prochain, ce n’est pas au Kenya, d’où son père est originaire, que Barack Obama se rendra. Mais au Ghana, l’un des rares pays du continent qui connaisse une alternance démocratique et sans heurts. Un choix qui réjouit tous ceux qui, en Afrique, attendent non pas une pluie de dollars, mais que les USA renoncent à soutenir des régimes autoritaires et corrompus.

 

La comparaison risque d’être à nouveau cruelle pour le président français Nicolas Sarkozy, qui effectuait en mars dernier une visite style « Françafrique décomplexée », comprendre : on bétonne tous azimuts nos positions pour contrer l’offensive chinoise. Avec à la clé, la signature de contrats portant sur de fabuleux gisements d’uranium et de pétrole dans les deux Congo et au Niger.

 

Cette politique affairiste, qui passe par un appui sans faille à des dictateurs au petit pied, risque bien d’être ringardisée par le discours sur la gouvernance que prononcera Barack Obama au Ghana. Alors qu’Obama, une fois de plus, semble avoir rendez-vous avec l’Histoire, Sarkozy s’accroche à des pratiques déshonorantes pour la France, que la mort du président gabonais Omar Bongo, pilier de la « Françafrique », vient d’éclairer d’une lumière crue.

  

 

13/06/2009

Je shoppe donc je suis

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 14 juin 2009

 

 

Armée de sa douzaine de cartes de crédits, une jeune New-Yorkaise écume les boutiques de Manhattan. Et a beaucoup de peines à résister aux vertiges du shopping et à l’appel vibrant des soldes des grandes marques, qui lui procurent des sensations de bien-être et de bonheur à nul autre pareil. « On se sent tellement vivante, on se sent exister », clame l’héroïne du film « Confessions d’une accro du shopping », actuellement sur les écrans. Chaussures, accessoires, maquillages ou fringues sublimes… Rien ne peut contenir sa fièvre acheteuse, pas même son gigantesque découvert, ni sa cure de désintoxication au sein d’un groupe de soutien pour « shopaholics ».

 

Avant d’être un film qui fait un carton auprès des jeunes filles en fleurs et de leurs amis, qui s’y reconnaissent « à fond », la fièvre acheteuse de Becky se décline en plusieurs volumes :  « L’accro du shopping à Manhattan, dit oui, fait un bébé, a une sœur ». Suite logique en quelque sorte des « Martine à la plage, fait du camping, ses courses » dans une société où acheter est devenu une obsession, un moyen de décompresser, un passe-temps, un plaisir. Voire même un ordre ou un acte patriotique : au lendemain des attentats du 11 septembre, George Bush exhortait ses compatriotes à aller faire du shopping pour éviter l’effondrement de l’économie américaine après celui des tours jumelles.

 

Le message n’est guère différent aujourd’hui : nous sommes tous priés de consommer d’abondance, comme si de rien n’était, si nous voulons être des citoyens responsables qui ont à cœur de faire tourner la machine économique. Reste que dans le contexte actuel, le film « Confessions d’une accro du shopping » a des allures de paradis perdu. Ou encore de conte allégorique : les démêlés de Becky, surendettée, qui a épuisé la totalité des crédits de ses innombrables cartes, traquée par un agent de recouvrement, raconte mieux que de subtiles analyses la crise de l’endettement qui plombe les Etats-Unis et, dans la foulée, l’économie mondiale.

 

Après des années de consommation débridée et insouciante, le retour sur terre est parfois difficile. Aux States, des coaches de la vie quotidienne apprennent  à des personnes qui ont toujours vécu à l’aide d’une carte de crédit à dépenser uniquement leur argent réel. Voire à déchirer leur Visa ou leur American Express, acte quasiment révolutionnaire dans un pays qui vit à crédit. Mêmes les fringues neuves n’ont plus la cote. A preuve : les frénétiques du shopping font la tournée des vide-dressing, très à la mode, ou des dépôts vente qui fleurissent dans les villes. Bientôt sur grand écran ?

30/05/2009

Avec ou sans pub ?

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 31 mai 2009

 

 

C’est drôle une ville sans pub. Imaginez une mégalopole de 11 millions d’habitants, sans aucune publicité dans les rues, pas le moindre petit panneau géant vantant les mérites d’une boisson gazeuse à l’horizon, aucun slogan sur les bus, ni de message défilant sur des panneaux lumineux. Des murs vides, no logo. Bienvenue à Sao Paulo.

 

Il n’y a pas si longtemps pourtant, la capitale économique du Brésil était elle aussi saturée de panneaux publicitaires, recouverte d’affiches, souvent posées en toute illégalité. Pour reprendre la main face à une situation devenue incontrôlable, le maire de la ville a pris une décision radicale : l’interdiction de toute publicité extérieure, du jamais vu.

 

Deux ans plus tard, le paysage urbain est déroutant. Sao Paulo est certes débarrassée de toute trace de pub et la population apprécie ce nouvel environnement apaisé, qui lui permet de redécouvrir l’architecture de sa ville. Mais les structures qui abritaient les affiches sont toujours là. Ces grands cadres vides, ces toiles d’araignée métalliques, inutiles, donnent à la métropole un petit air de science-fiction. Les rues, privées d’enseignes lumineuses, sont devenues moins sûres.

 

Certains trouvent à Sao Paulo un air un peu triste, un côté pays de l’Est avant la chute du Mur de Berlin. Est-ce pour conjurer ce sort que certaines capitales de l’ex-bloc de l’Est ont basculé dans l’autre extrême ? Ainsi, dans les rues de Varsovie, les immeubles sont désormais recouverts de panneaux publicitaires tellement gigantesques que les médias nationaux s’en sont émus. Et ont dénoncé le calvaire enduré par les habitants de la capitale polonaise, contraints de vivre fenêtres fermées derrière des bâches à l’effigie de George Clooney ou d’un parfum glamour.

 

Les grandes métropoles asiatiques sont également au bord de l’étouffement. A Shangaï, le long du trajet menant de l’aéroport de Pudong au centre ville, les panneaux publicitaires, sur certains tronçons, sont tellement élevés, qu’ils masquent le paysage. A Bangkok, la mairie a dû faire abattre des panneaux d’affichage de plus de dix mètres de haut, qui menaçaient de s’effondrer.

 

Mais les panneaux gigantesques placardés dans les villes servent parfois à faire passer d’autres messages. En Chine, ils sont utilisés pour lutter contre la corruption. Aux USA, les photos de criminels recherchés sont affichées sur des supports électroniques. Et il y a tout juste quarante ans, en pleine guerre du Vietnam, John Lennon et Yoko Ono faisaient placarder dans une douzaine de capitales des panneaux géants où l’on pouvait lire : « LA GUERRE EST FINIE ! Si vous le voulez ».