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24/01/2010

Indépendance cha cha

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 24 janvier 2010

 

En 1960, il y a tout juste 50 ans, la plupart des pays d’Afrique francophone devenaient indépendants. De Niamey à Léopoldville, de Fort-Lamy à Libreville, en pleine euphorie, on fête l’événement sur des rythmes de rumba et de cha cha cha. La chanson mythique du musicien congolais Grand Kalle « Indépendance cha cha » devient alors le chant de ralliement des indépendances, et le premier tube panafricain.

 

Aux portes des palais présidentiels se pressent aussitôt une foule d’affairistes, de « chargés de missions », de conseillers techniques « prêtés » par les ex-puissances coloniales, soucieuses de conserver des marchés captifs. Les nouveaux présidents, dociles et sensibles aux intérêts des anciennes métropoles, auront une longue carrière. Les autres seront débarqués ou rayés de la carte, sans état d’âme.

 

De l’histoire ancienne ? Voire. A l’heure où Pékin déboule en force sur le continent, Paris et Bruxelles semblent bien décidées à lutter pied à pied pour conserver leur zone d’influence. Pas question pour la France de broncher lorsque les présidents « amis » du Niger, du Cameroun ou du Tchad tripatouillent la Constitution pour consacrer leur statut de président à vie. Pas question non plus de moufter lorsque des fils, du « bon côté », succèdent à leur père à la tête du Togo, du Gabon ou de la République démocratique du Congo, devenues des républiques monarchiques.

 

Jusqu’à la fin des années 80, les chefs d’Etat africains pouvaient compter sur un appui sans faille des pays occidentaux, en les menaçant de basculer, matières premières comprises, dans le camp communiste. Aujourd’hui, c’est la Chine qui joue le rôle laissé vacant par l’Union soviétique. Le résultat est le même. Des satrapes, prêts à mettre le pays à genoux pour conserver le pouvoir à tout prix, ont les coudées franches pour mener la vie dure à leurs concitoyens, livrés à eux-mêmes, clochardisés par la prédation de leurs dirigeants. Et par un quart de siècle de politiques néolibérales qui ont laminé les économies et les agricultures locales.

 

Pourtant, au début des années 90, beaucoup avaient cru que c’était au tour de l’Afrique de se débarrasser de ses dictateurs, comme dans les pays de l’Est. Aujourd’hui, les gens n’y croient plus. Et des millions de personnes, qui n’ont rien à perdre, rêvent de vivre n’importe où ailleurs plutôt que dans leur propre pays. Alors, 50 ans d’indépendance, ça se fête ? Paris et Bruxelles ont en tout cas annoncé en fanfare leur volonté de marquer le coup par des manifestations d’envergure. Dans les capitales africaines, en revanche, les festivités s’annoncent plus réservées.

  

29/06/2009

T-shirts Ben Laden ou Obama ?

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 28 juin 2009

  

L’Obamania qui avait enflammé l’Afrique au moment de la campagne présidentielle américaine n’est de loin pas retombée. Sur les marchés d’Abidjan, d’où j’écris ces quelques lignes, l’effigie de Barack Obama se décline en T-shirts, calendriers, casquettes, mais aussi à l’arrière des minibus de transport, sur les enseignes des maquis-restaurants et celles des coiffeurs, où l’on vous propose volontiers  la coupe du président américain. Au Niger, si l’on continue d’appeler « Bush » les chiens errants, on donne en revanche le surnom affectueux d’ « Obama » aux enfants brillants et prometteurs.

 

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, au plus fort de l’ère Bush, c’est la tête d’Oussama Ben Laden que les jeunes et même les cadres arboraient ostensiblement sur leurs T-shirts, de Nouakchott à Douala, pour marquer le rejet et le dégoût que leur inspirait la politique américaine. Aujourd’hui, les mêmes portent une casquette « Yes we can ». C’est dire l’ampleur du changement.

 

L’ascendance africaine de Barack Obama joue certes un rôle dans cet élan général de sympathie qui génère d’innombrables fans clubs. Mais il y a plus que cela. Les gens suivent et lisent avec attention ses discours brillants et profonds et espèrent qu’avec lui s’ouvre « une nouvelle ère moins heurtée pour l’humanité », comme le soulignait un quotidien sud-africain.

 

Pour sa première visite officielle en Afrique subsaharienne les 10 et 11 juillet prochain, ce n’est pas au Kenya, d’où son père est originaire, que Barack Obama se rendra. Mais au Ghana, l’un des rares pays du continent qui connaisse une alternance démocratique et sans heurts. Un choix qui réjouit tous ceux qui, en Afrique, attendent non pas une pluie de dollars, mais que les USA renoncent à soutenir des régimes autoritaires et corrompus.

 

La comparaison risque d’être à nouveau cruelle pour le président français Nicolas Sarkozy, qui effectuait en mars dernier une visite style « Françafrique décomplexée », comprendre : on bétonne tous azimuts nos positions pour contrer l’offensive chinoise. Avec à la clé, la signature de contrats portant sur de fabuleux gisements d’uranium et de pétrole dans les deux Congo et au Niger.

 

Cette politique affairiste, qui passe par un appui sans faille à des dictateurs au petit pied, risque bien d’être ringardisée par le discours sur la gouvernance que prononcera Barack Obama au Ghana. Alors qu’Obama, une fois de plus, semble avoir rendez-vous avec l’Histoire, Sarkozy s’accroche à des pratiques déshonorantes pour la France, que la mort du président gabonais Omar Bongo, pilier de la « Françafrique », vient d’éclairer d’une lumière crue.