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25/07/2009

Facturer les otages

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 26 juillet 2009

 

A peine l’otage suisse détenu au Mali a-t-il été libéré, que les internautes se sont déchaînés sur le site du quotidien Le Matin. « L’ex-otage n’a qu’à rembourser. Et pas seulement une petite partie, mais la totalité. Beaucoup de nos compatriotes ne prennent pas ou très peu de vacances », commente un lecteur. « Je pense que si l’on prend des risques, ce n’est pas au contribuable, qui n’a pas les moyens de voyager, de payer », renchérit un autre, qui résume bien le sentiment généralement exprimé.

 

De quoi s’est donc rendu coupables l’avocat zurichois, retenu en otage pendant six mois, pour susciter une telle aigreur ? D’avoir participé à la 7e édition du Festival de la Culture nomade qui se tient chaque année dans le nord du Mali, de s’être fait enlever par la section locale d’Al-Qaïda et, surtout, d’avoir coûté de l’argent au contribuable puisque des dizaines de fonctionnaires fédéraux ont été mobilisés pour sa libération.

 

Incroyable ! Cet homme revient de l’enfer et ses compatriotes parlent aussitôt de lui présenter la facture. A-t-on également présenté la facture des coûts engendrés par leur libération aux ex-otages français détenus en Irak, Florence Aubenas, Christian Chesnot, Georges Malbrunot ou encore à la franco-colombienne Ingrid Betancourt ? Chez nos voisins français, les prises d’otages se transforment en cause nationale et leur libération est un moment fort, vécu avec ferveur par l’ensemble des citoyens. Rien de tel chez nous.

 

Dès lors, si nous voulons échapper à la vindicte de nos propres compatriotes, nous avons intérêt à bien cibler nos prochaines destinations. Un véritable casse-tête. Car la liste des pays à risques, où il est recommandé de ne pas se rendre, est de plus en plus longue. Pour faire court : si on parvient à échapper à une prise d’otage ou à une guerre civile, on a toutes les chances d’être terrassé par une épidémie ou emporté par un cyclone ou un tsunami.

 

Alors, cet été, soucieux de respecter à la lettre les conseils aux voyageurs prodigués par le Département fédéral des affaires étrangères, nous avons sagement renoncé à aller nous faire enlever dans le Sahara, attaquer par des pirates dans le Golfe d’Aden ou être victime d’un attentat terroriste en Asie du Sud-Est. Cela n’a pas empêché qu’à notre retour de vacances, paf, notre employeur nous a mis en quarantaine, sans salaire. C’est la mésaventure qui est arrivée aux employés d’une compagnie d’assurance, coupables d’avoir fait exprès d’aller attraper le virus de la grippe porcine dans les pays à risques que sont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

03/05/2009

Un clone dans le désert

Est-ce bien raisonnable ?

 

Un clone dans le désert

par Catherine Morand, journaliste - Le Matin dimanche - le 3 mai 2009

 

Il y a une quinzaine de jours, le Centre de reproduction des camélidés de Dubaï annonçait fièrement avoir créé le premier dromadaire cloné, une femelle aussitôt baptisée Injaz, ce qui veut dire « réalisation » en arabe. Ce centre financé par l’émir de Dubaï ambitionne d’améliorer la production laitière et surtout la performance des dromadaires lors des courses, un sport très prisé dans la région. L’émir Cheick Mohamed Ibn Rached Al Maktoum possède d’ailleurs une des plus belles écuries de dromadaires de course au monde.

 

Cette « Dolly arabe », fruit de cinq ans de travail acharné, vient s’ajouter à la longue liste des clones de vaches, taureaux, cochons, souris, chats, chiens, lapins, fabriqués dans des laboratoires du monde entier. Le premier prototype, la fameuse brebis Dolly, créée en 1996, avait été euthanasiée six ans plus tard, pour cause de vieillissement prématuré. Cela n’a pas empêché les Etats-Unis, qui ont toujours une longueur d’avance lorsqu’il s’agit de gastronomie, d’autoriser en 2008 la consommation de viande et de lait de clones de bovins.

 

Clonées à tout va, reproduites à la chaîne, élevées industriellement, transformées en petites usines à viande, à lait, à œufs, et même génétiquement modifiées – la firme Monsanto a fait breveter des gènes de porc - nos amies les bêtes ne sont plus vraiment à la fête. Et nous non plus.

 

La nouvelle souche de la grippe porcine, ou plutôt A(H1N1), qui est un cocktail génétique de plusieurs souches de virus de grippe, semble trouver son origine du côté des élevages industriels mexicains et américains. Depuis l’installation d’une gigantesque ferme porcine appartenant à une filiale de Smithfield Foods, le numéro un mondial de la charcuterie, les habitants du village de La Gloria dans l’Etat mexicain de Veracruz souffrent de maladies respiratoires.

 

C’est là que le premier cas de cette grippe, celui d’un garçonnet de 4 ans, fut diagnostiqué le 2 avril dernier, dans un environnement qui représente une véritable bombe à retardement pour les épidémies mondiales : une région rurale pauvre, truffée d’élevages intensifs de porc et de volaille appartenant à des sociétés transnationales, qui s’autorisent des comportements sanctionnées ailleurs.

 

Après l’encéphalite spongiforme bovine ou maladie de la vache folle, la grippe aviaire, la tremblante du mouton, et maintenant la grippe A(H1N1), peut-être serait-il raisonnable de renoncer à abandonner notre alimentation - et nos amies les bêtes - entre les mains d’apprentis sorciers totalement irresponsables.