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18/04/2009

Expert ès système D

Est-ce bien raisonnable ?

 

Par Catherine Morand,  journaliste - le 19 avril 2009 - Le Matin Dimanche

 

Expert ès système D

 

Aux Etats-Unis, les signes apparents de la crise se multiplient, et la panique s’installe. Des magasins ferment les uns après les autres, les sociétés licencient à tour de bras. Les plus chanceux cumulent plusieurs petits jobs, pour tenter de garder la tête hors de l’eau. Le rêve américain dort désormais sous tente, dans des « tent cities » installées sur des terrains vague, ou dans des motels bon marché, le long des autoroutes. C’est le dernier refuge d’une classe moyenne qui a tout perdu : maison, job et l’assurance-maladie qui va avec. Des enfants qui, il y a peu, vivaient en zone résidentielle, font désormais leurs devoirs dehors, sur les trottoirs.

 

La crise, qui a gagné l’Europe, semble bien installée. Les pays occidentaux sont-ils en voie de tiers-mondisation ? C’est la question que je me suis posée l’autre jour à un feu rouge, lorsque deux jeunes ont surgi pour laver mon pare-brise. Une scène inhabituelle ici, mais qui, sous d’autres cieux, fait depuis longtemps partie du quotidien. Visiblement, nous allons devoir nous adapter à un contexte qui est nouveau pour nous. Dès lors, ne serait-il pas raisonnable de faire appel à des experts qui viendraient nous apprendre à (sur)vivre en temps de crise ?

 

Ces experts de haut niveau, on peut les trouver à Madagascar, en Bolivie ou en Indonésie, des pays qui, en matière de galère, ont bien une vingtaine d’années d’avance sur nous. A bord de puissants 4x4, ils pourraient venir sillonner nos bourgades les plus reculées pour nous enseigner les ficelles du système D, « D » comme débrouille. Un art de vivre qu’ils maîtrisent à la perfection.

 

Il n’y a plus de travail ? Les banques ne font plus crédit ? Pas de problème. Nos conseillers ès débrouillardise nous apprendront à nous inventer comme eux un petit boulot et nous familiariseront avec toute la gamme des petits métiers qui permettent de survivre en temps de crise. S’ils acceptent de nous initier, nous pourrions aussi nous mettre aux tontines, qui regroupent des personnes qui mettent leur épargne en commun, avec tournus de pécule bienvenu à la clé.

 

Grâce à leurs conseils, et si nous nous donnons de la peine, nous devrions pouvoir nous aussi nous en sortir. Déjà, aux Etats-Unis, il est à nouveau permis d’élever des poules, même en pleine ville. Cultiver son potager est devenu terriblement trendy depuis que la Première Dame a manié la binette dans les jardins de la Maison Blanche. En France, la création d’auto-entreprises, dans laquelle on s’emploie soi-même, connaît un succès spectaculaire. Le troc et la co-location ont le vent en poupe. L’imagination est de retour. Vive la crise !

 

 

 

 

04/04/2009

L'Afrique, c'est chic !

Est-ce bien raisonnable ?

 

Par Catherine Morand, journaliste, le 5 avril 2009, Le Matin Dimanche 

 

L’Afrique, c’est chic !

 

L’Afrique exige-t-elle un « dress code » particulier ? On pourrait le croire en voyant Madonna au Malawi au début de la semaine. La chanteuse avait opté pour un look résolument guerrier : pantalon treillis camouflage, bottes noires montantes style rangers... il ne manquait plus que la kalachnikov en bandoulière. Pourtant, ni groupes rebelles ni milices armées n’avaient été signalés dans la région. Alors pourquoi ? L’(ex-?) icône de la mode avait-elle le sentiment de partir au combat en allant faire son marché aux enfants ? Ou bien a-t-elle juste voulu être raccord avec le décor de « son » Afrique à elle ?

 

C’est d’ailleurs piquant de constater à quel point chacun se fait son petit cinéma en posant un pied en Afrique. Et adapte son habillement en conséquence. Prenons par exemple Bernard Kouchner. Lorsqu’il se rend en Afrique centrale, le ministre français des affaires étrangères porte volontiers un « abacost » - contraction de « à bas le costume » - avec col Mao, renouant ainsi avec la mode qui fut en vigueur dans l’ex-Zaïre du temps du maréchal Mobutu. Pense-t-il faire ainsi couleur locale ? Ou est-ce simplement sa manière à lui d’être chic en Afrique ?

 

Il y a aussi les adeptes de la mode « out of Africa », dégradé de tons beiges et ocres, couleur terre africaine, mousseline légère pour elle, chemise en lin pour lui - et moustiquaire pour tout le monde. Sans oublier les « Heidi » en boubou, les coopérants en chemise pagne, convaincus de se fondre dans le paysage; ou encore les baroudeurs style Camel Trophy, avec gilet multipoches et kit de survie, même pour sillonner les capitales.

 

On assiste parfois à des clashes détonants. Ainsi, Jean-Christophe Mitterrand, lorsqu’il était le Monsieur Afrique de son président de père, portait volontiers une chemise hawaïenne multicolore lorsqu’il débarquait sur le continent. Il était alors accueilli à sa sortie d’avion par des officiels en costumes sombres, très chics et très classes, coupés sur mesure par les plus grands couturiers parisiens.

 

Mais le summum de la chiquitude, c’est dans les quartiers branchés de Kinshasa ou de Brazzaville qu’elle se niche. Les adeptes de la SAPE (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) exhibent sans état d’âme les dernières créations de Versace, Armani ou Jean-Paul Gaultier. Le mois dernier, un défilé de mode organisé par la Radio-télévision congolaise a permis à des sapeurs des deux capitales de se défier à coups de « griffes ». Le verdict fut sans appel : « Le Congolais de Brazzaville s’habille chic, mais celui de Kinshasa s’habille cher. »