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30/05/2009

Avec ou sans pub ?

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 31 mai 2009

 

 

C’est drôle une ville sans pub. Imaginez une mégalopole de 11 millions d’habitants, sans aucune publicité dans les rues, pas le moindre petit panneau géant vantant les mérites d’une boisson gazeuse à l’horizon, aucun slogan sur les bus, ni de message défilant sur des panneaux lumineux. Des murs vides, no logo. Bienvenue à Sao Paulo.

 

Il n’y a pas si longtemps pourtant, la capitale économique du Brésil était elle aussi saturée de panneaux publicitaires, recouverte d’affiches, souvent posées en toute illégalité. Pour reprendre la main face à une situation devenue incontrôlable, le maire de la ville a pris une décision radicale : l’interdiction de toute publicité extérieure, du jamais vu.

 

Deux ans plus tard, le paysage urbain est déroutant. Sao Paulo est certes débarrassée de toute trace de pub et la population apprécie ce nouvel environnement apaisé, qui lui permet de redécouvrir l’architecture de sa ville. Mais les structures qui abritaient les affiches sont toujours là. Ces grands cadres vides, ces toiles d’araignée métalliques, inutiles, donnent à la métropole un petit air de science-fiction. Les rues, privées d’enseignes lumineuses, sont devenues moins sûres.

 

Certains trouvent à Sao Paulo un air un peu triste, un côté pays de l’Est avant la chute du Mur de Berlin. Est-ce pour conjurer ce sort que certaines capitales de l’ex-bloc de l’Est ont basculé dans l’autre extrême ? Ainsi, dans les rues de Varsovie, les immeubles sont désormais recouverts de panneaux publicitaires tellement gigantesques que les médias nationaux s’en sont émus. Et ont dénoncé le calvaire enduré par les habitants de la capitale polonaise, contraints de vivre fenêtres fermées derrière des bâches à l’effigie de George Clooney ou d’un parfum glamour.

 

Les grandes métropoles asiatiques sont également au bord de l’étouffement. A Shangaï, le long du trajet menant de l’aéroport de Pudong au centre ville, les panneaux publicitaires, sur certains tronçons, sont tellement élevés, qu’ils masquent le paysage. A Bangkok, la mairie a dû faire abattre des panneaux d’affichage de plus de dix mètres de haut, qui menaçaient de s’effondrer.

 

Mais les panneaux gigantesques placardés dans les villes servent parfois à faire passer d’autres messages. En Chine, ils sont utilisés pour lutter contre la corruption. Aux USA, les photos de criminels recherchés sont affichées sur des supports électroniques. Et il y a tout juste quarante ans, en pleine guerre du Vietnam, John Lennon et Yoko Ono faisaient placarder dans une douzaine de capitales des panneaux géants où l’on pouvait lire : « LA GUERRE EST FINIE ! Si vous le voulez ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16/05/2009

La Poste, version souk

Est-ce bien raisonnable ?

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 17 mai 2009

 

La Poste, version souk

 

Pénétrer dans un bureau de poste est devenu une véritable aventure. Et pour se frayer un chemin jusqu’aux guichets, à travers la jungle des Postshops, une machette à la Indiana Jones peut se révéler fort utile.

 

A l’entrée, une exposition de machines à café, en face, une paroi de porte-monnaie et de parapluies. Un peu plus loin, c’est le Postshop voyage, avec ses cordes à sécher le linge et ses coussins gonflables, qui vous aide à patienter dans la file d’attente, le long des DVD en promotion.

 

Encore un petit virage, et hop, nous voilà à la hauteur du Postshop loisirs, pelles en plastique, bulles de savon en vrac. Le rayon livres jouxte le distributeur à boissons, tandis qu’au loin, on aperçoit enfin les guichets. Encore une ultime montagne de bonbons et de chocolats à franchir avant de tomber nez à nez avec le hit du mois : un ventilateur à l’effigie de Bob l’éponge. « Vous prendrez bien un billet de loterie, une vignette auto ? » demande alors la dame du guichet.

 

La Poste est devenue un vaste souk dans lequel on trouve de tout, un grand bazar qui donne le tournis. A tel point que lorsqu’on pénètre dans un bureau de poste en Tunisie ou en Egypte, on apprécie le dépouillement des lieux : le souk, lui, demeure à l’extérieur.

 

Mais plus « notre » Poste entasse de fourbi dans ses offices, plus elle néglige sa mission. A coups de restructurations concoctées par ses top managers décidément très inspirés, le géant jaune n’en finit plus de supprimer des emplois, des prestations, des bureaux de poste : 1500 d’entre eux ont déjà été rayés de la carte, plusieurs centaines sont en train d’être « analysés ». Même les boîtes aux lettres disparaissent en douce, sans crier gare.

 

Mais l’idée de génie qui permettra de relever les défis du futur s’intitule « la Poste dans l’épicerie du village », nom de code Ymago. Il suffisait d’y penser : vos commandements de payer vous seront notifiés entre pommes et fromage. Et pour faire leurs paiements, les usagers n’auront qu’à rouler quelques kilomètres.  

 

Résultat des courses : alors que le personnel de la poste est sommé de se transformer en kiosquier et en vendeur de tickets de tribolo, les épiciers suivent des cours pour arriver à faire les postiers. Et qui aura pitié des vrais kiosquiers qui se font piquer tous leurs produits ?

 

Mais dans ce monde de brutes en pleine mutation, la Poste nous offre jusqu’en septembre une pause douceur : des animaux en peluche, qui récompensent les clients qui font leur marché dans les bureaux de poste. On demeure ébloui par une stratégie marketing qui génère un tel bric-à-brac.  

 

 

 

 

 

 

03/05/2009

Un clone dans le désert

Est-ce bien raisonnable ?

 

Un clone dans le désert

par Catherine Morand, journaliste - Le Matin dimanche - le 3 mai 2009

 

Il y a une quinzaine de jours, le Centre de reproduction des camélidés de Dubaï annonçait fièrement avoir créé le premier dromadaire cloné, une femelle aussitôt baptisée Injaz, ce qui veut dire « réalisation » en arabe. Ce centre financé par l’émir de Dubaï ambitionne d’améliorer la production laitière et surtout la performance des dromadaires lors des courses, un sport très prisé dans la région. L’émir Cheick Mohamed Ibn Rached Al Maktoum possède d’ailleurs une des plus belles écuries de dromadaires de course au monde.

 

Cette « Dolly arabe », fruit de cinq ans de travail acharné, vient s’ajouter à la longue liste des clones de vaches, taureaux, cochons, souris, chats, chiens, lapins, fabriqués dans des laboratoires du monde entier. Le premier prototype, la fameuse brebis Dolly, créée en 1996, avait été euthanasiée six ans plus tard, pour cause de vieillissement prématuré. Cela n’a pas empêché les Etats-Unis, qui ont toujours une longueur d’avance lorsqu’il s’agit de gastronomie, d’autoriser en 2008 la consommation de viande et de lait de clones de bovins.

 

Clonées à tout va, reproduites à la chaîne, élevées industriellement, transformées en petites usines à viande, à lait, à œufs, et même génétiquement modifiées – la firme Monsanto a fait breveter des gènes de porc - nos amies les bêtes ne sont plus vraiment à la fête. Et nous non plus.

 

La nouvelle souche de la grippe porcine, ou plutôt A(H1N1), qui est un cocktail génétique de plusieurs souches de virus de grippe, semble trouver son origine du côté des élevages industriels mexicains et américains. Depuis l’installation d’une gigantesque ferme porcine appartenant à une filiale de Smithfield Foods, le numéro un mondial de la charcuterie, les habitants du village de La Gloria dans l’Etat mexicain de Veracruz souffrent de maladies respiratoires.

 

C’est là que le premier cas de cette grippe, celui d’un garçonnet de 4 ans, fut diagnostiqué le 2 avril dernier, dans un environnement qui représente une véritable bombe à retardement pour les épidémies mondiales : une région rurale pauvre, truffée d’élevages intensifs de porc et de volaille appartenant à des sociétés transnationales, qui s’autorisent des comportements sanctionnées ailleurs.

 

Après l’encéphalite spongiforme bovine ou maladie de la vache folle, la grippe aviaire, la tremblante du mouton, et maintenant la grippe A(H1N1), peut-être serait-il raisonnable de renoncer à abandonner notre alimentation - et nos amies les bêtes - entre les mains d’apprentis sorciers totalement irresponsables.