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29/11/2009

Containers Inc.

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche, le 29 novembre 2009

 

Les ports américains ressemblent aux ports africains : des containers à perte de vue, entassés les uns sur les autres, symboles d’une économie qui ne fabrique plus rien et qui importe tout. Différence de taille : les Américains sont en train d’achever, consciencieusement, leur désindustrialisation ; alors que les pays africains, eux, n’ont toujours pas commencé à produire les objets qu’ils utilisent quotidiennement. Leur fournisseur en revanche est le même : la Chine. Petit problème sémantique : peut-on encore parler de pays industrialisés et d’autres en voie de l’être ?

 

Pour ravitailler quelque 300 millions de consommateurs américains en vêtements, denrées alimentaires, jouets, meubles, appareils… (liste sans fin), ce sont plus de 30 millions de containers par année qui traversent l’océan Pacifique. Pendant les périodes de pointe – avant Noël par exemple – les embouteillages de cargos en provenance de Chine, au large des ports de Los Angeles et de Long Beach, ont un petit air de débarquement en Normandie.

 

Pour décongestionner le trafic, il est d’ailleurs sérieusement question de construire un port gigantesque plus au Sud, sur la côte mexicaine, à Punta Colonet. Avec, à la clé, pour les compagnies maritimes et portuaires, l’avantage de pouvoir disposer d’une main-d’œuvre encore meilleur marché. Et d’échapper aux normes visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre. C’est que dans le Sud de la Californie, le ballet incessant des porte-conteneurs et les convois de camions qui carburent au diesel plombe l’air de toute la région, et bien au-delà.

 

Les cargos immenses qui sillonnent les océans consomment entre 150 et 300 tonnes de fuel hautement polluant par jour. Et portent leur part de responsabilité dans le réchauffement climatique. L’aberration qui consiste à faire fabriquer les produits de consommation les plus basiques à des milliers de kilomètres se paie cash : à l’image des grands ports du monde, la planète est au bord de l’asphyxie. Tandis que les pays dits industrialisés ont bradé à tout jamais (?) leurs industries et leur savoir-faire. A preuve ? Les containers repartent le plus souvent vers la Chine à vide, ou alors chargés de nos déchets, ordinateurs usagés et vieux papier à recycler.

 

Mais comment faire machine arrière ? Car en pleine crise économique, priver les consommateurs de produits à bas coût est impensable. La marge de manœuvre des grands de ce monde est donc extrêmement étroite. Et au premier chef celle du président Barack Obama, à la tête d’une Amérique dévastée, qui n’aura pas grand-chose ni à proposer ni à exiger lors de la conférence de Copenhague.

 

 

15/11/2009

Guerre et paix au zoo

par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 15 novembre 2009

A l'image de l'Allemagne, le zoo de Berlin est parvenu à panser ses blessures. Lorsqu'on se promène dans ce poumon de verdure au coeur de la capitale allemande, on oublie qu'il fut, comme le reste de la ville, presque totalement détruit pendant la Seconde guerre mondiale; et qu'un éléphant figurait parmi les victimes de la première bombe lâchée sur Berlin par les Alliés. A la fin de la guerre, seules quelques dizaines d'animaux avaient survécu. Renaissance suprême : celle de Knut en décembre 2006, premier petit ourson polaire à voir le jour au zoo de Berlin, une histoire qui avait fait le tour du monde.

Si l'on admet que les jardins zoologiques peuvent représenter un bon indicateur de l'état de santé d'un pays, il faut se réjouir des nombreuses naissances annoncées depuis quelques mois au zoo de Bagdad, parmi lesquelles celles, toute récentes, de deux bébés tigres de Sibérie. Grâce à l'amélioration - toute relative - de la sécurité dans la capitale irakienne, les familles se pressent à nouveau dans ce qui fut le plus grand parc animalier du Moyen Orient. Et qui revient de loin : les animaux du zoo Al-Zawraa périrent par centaines sous les bombes de l'invasion américaine et du carnage qui s'ensuivit.

Au plus fort de la guerre des Balkans, les pensionnaires du zoo de Sarajevo avaient eux aussi payé un lourd tribut, abattus par des snipers ou morts de faim dans des cages que les gardiens n'osaient plus approcher. Dès que la paix est de retour, les jardins zoologiques représentent souvent le premier, voire le seul endroit où les enfants peuvent un peu se changer les idées. C'est pourquoi le directeur du zoo Mahraland à Gaza déploie des trésors d'imagination pour remplacer les animaux décimés lors de l'opération israélienne "Plomb durci", allant jusqu'à teindre des lignes noires sur le pelage blanc d'un âne, pour avoir au moins un "zèbre" à présenter aux nuées d'écoliers qui y défilent. 

C'est que faire venir des animaux en contrebande par les souterrains qui approvisionnent la bande de Gaza depuis l'Egypte n'est pas une sinécure. Mais le directeur du zoo espère toujours y faire transiter un petit éléphant. L'histoire de Marjan, le lion du zoo de Kaboul qui avait perdu un oeil à cause d'une grenade, est tout aussi emblématique : après avoir survécu à l'invasion soviétique, aux talibans et aux Américains, il mourut durant son sommeil en 2002. Et aujourd'hui, au zoo de Berlin, l'ours Knut passionne à nouveau le public depuis qu'il a une fiancée iltalienne, Gianna. Un rebondissement qui confirme que les histoires de zoo sont décidément un excellent baromètre pour prendre la température d'un pays.