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31/10/2009

Fils et filles de tous les pays...

 

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche, le 1er novembre 2009

 

 

Grâce à Jean Sarkozy, les « fils et filles de… » ont gagné une spectaculaire visibilité et le mot « népotisme » n’a jamais été autant prononcé. C’est devenu la dernière tendance : sur le net, mais aussi sur les plateaux télé, dans la presse et les conversations en ville, les rejetons de pères ou de mères célèbres sont clairement identifiés, pris à partie, voire sommés de rendre des comptes. Du coup, on réalise qu’ils sont partout : dans la politique, mais aussi dans les entreprises, les administrations, le journalisme, sur les écrans de cinéma, dans la littérature et le show-biz.

 

L’autre jour, dans l’émission de France 2 « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier, le guitariste Thomas Dutronc, fils de Jacques et de François Hardy, a ainsi dû expliquer qu’il s’était « caché » pendant une dizaine d’années, le temps de tracer sa voie pour ensuite tenter de se faire un prénom. Et laisser éclater son talent, bien réel par ailleurs. Mais il n’échappe pas pour autant aux comparaisons permanentes avec ses illustres géniteurs.

 

Cela vaut aussi pour « nos fils de » à nous. Ainsi sur le plateau de La Télé, Fathi Derder n’a-t-il pas pu s’empêcher de lancer à Dominique Ziegler, venu vanter avec fougue les mérites de sa dernière pièce de théâtre : « Vous avez la même verve que votre père »,  le bien connu Jean Ziegler. Placide, Dominique Z. met en scène avec brio l’« oligarchie financière » chère à son papa. Et affronte avec sérénité le constant rappel de sa filiation. C’est également le cas de Nicolas Bideau, fils d’un acteur et d’une metteuse en scène de renom, qui, après un brillant détour par la diplomatie, n’a pas échappé au cinéma de papa.

 

On peut donc être compétent, talentueux, même si on est « fils ou fille de ». Dans le show-biz français, Charlotte Gainsbourg, Vincent Cassel, Mathieu Chédid ou Arthur H en sont la preuve éclatante. Idem à la rubrique « journalistes fils de journalistes ». Sur les ondes de la Radio suisse romande, Jean-François Moulin et Simon Matthey-Doret – qui se faisaient des politesses l’autre jour en évoquant leur prestigieuse filiation – se sont fait un prénom depuis longtemps.

 

Reste que sur un marché du travail sinistré, un patronyme connu aide forcément les « fils et filles de » à décrocher leur premier job, leur premier rôle, sans avoir à galérer pendant des années d’un stage ou d’un casting à l’autre. A charge ensuite pour eux de faire la preuve de leur talent et de leurs compétences. C’est ce qui attend le fils de Sarko 1er qualifié sur le net de « Jean sans terres, sans diplômes, sans expériences, mais titulaire d’un doctorat de « fils de ». Et dont on n’a pas fini d’entendre parler.

17/10/2009

Mondialisation, tout ça pour ça

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche, le 18 octobre 2009

 

Une classe de gymnasiens vaudois revient d’un voyage d’études à Budapest. Parmi eux, ma fille, qui a également eu le temps de faire un peu de shopping dans la capitale hongroise. Elle a donc ramené dans ses bagages une écharpe et un cardigan H&M made in China, une tunique de chez Zara fabriquée en Turquie. Avec ses camarades de classe, elle s’est également « posée » dans un des Burger King de Budapest, vanté comme étant le plus grand du monde.

 

C’est qu’en 20 ans, les pays de l’Est se sont « mondialisés » à la vitesse grand V. A peine le mur de Berlin était-il tombé que les enseignes du « monde libre » déboulaient en force pour y planter leur logo. Les jeunes Lausannois auraient aussi bien pu aller en voyage à Madrid, Prague, Rome ou Berlin : ils seraient tombés nez à nez avec les mêmes chaînes de vêtements low-cost, les mêmes fast-foods, auraient déambulé dans les mêmes centres commerciaux, reproduits à l’identique et à l’infini aux quatre coins de la planète.

 

Les sorties dans les shoppings center sont d’ailleurs devenues un but d’excursion en soi. Y compris en Chine, où les habitants de Pékin ou Shanghai vont désormais volontiers se promener le week-end en famille dans des magasins Ikea, aménagés à l’identique de celui d’Aubonne, pour tester lits et canapés, parfois y faire une petite sieste. Grâce à Ikea, les intérieurs du monde ont d’ailleurs de plus en plus tendance à tous se ressembler. Ne dit-on pas que, déjà, un Européen sur dix aurait été conçu sur un lit Ikea ? Pour ensuite vivre sa vie dans des salons et des chambres à coucher copies conformes des pages du catalogue.

 

Question gastronomie, voyager loin ne permet plus forcément de manger différemment et de découvrir des plats typiques. Tant il devient difficile d’échapper à la dictature des hamburgers et à leurs corollaires : les pizzas, les crêpes et les sandwiches, assortis de quelques nouilles sautées. Ces fleurons de la « world food »  nous poursuivent jusqu’au bout du monde, sur les plages de Tunisie ou de Thaïlande, comme au pied des pyramides d’Egypte ou de la Grande Muraille de Chine.

 

Est-ce pour éviter tout dépaysement ? L’aéroport de Genève vient en tout cas d’inaugurer « un nouveau concept de restauration » (sic) qui, sous l’appellation « Les Jardins de Genève » réunit la quintessence de la bouffe mondialisée - Burger King, Starbucks Coffee, Upper Crust… Mais à l’heure où même le Musée du Louvre à Paris va prochainement accueillir un McDonald’s, hein, il n’y a plus qu’à s’incliner. Et à se diriger dare-dare vers le premier M jaune venu, pour y commander tranquillement son McRösti.

03/10/2009

Le portable de Valentin

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 4 octobre 2009

 

A peine débarqué de son Burkina Faso natal, Valentin a consacré à l’achat d’un téléphone portable la totalité de son premier salaire de jardinier dans un quartier chic d’Abidjan. Il passait ensuite ses journées avec son « cellulaire » vissé à l’oreille, parlant haut et fort, afin que nul n’ignore qu’il avait lui aussi rejoint la grande famille des « connectés ».

 

Il fut un temps en Afrique où un téléphone portable était un signe extérieur de richesse, que seuls pouvaient s’offrir les « en haut d’en haut », comme on appelle les riches et puissants dans le français d’Abidjan. Mais son usage s’est répandu comme une traînée de poudre jusque dans la brousse la plus profonde. Aujourd’hui, pas un chauffeur ni une vendeuse au marché ou encore un « businesseur » qui n’ait son portable. Même les féticheurs sont atteignables 24 heures sur 24. Du coup, les « grands quelqu’un » sont obligés de faire de la surenchère : dans les dîners en ville, les personnes importantes alignent ostensiblement trois ou quatre « phones » dernier cri.

 

Au cours de ces trois dernières années, la téléphonie mobile a certes explosé dans le monde entier. Mais c’est le continent africain qui a connu l’accélération la plus spectaculaire, avec une croissance de près de 50% par année. Et 100 millions de nouvelles lignes activées sur le continent pour la seule année 2008. Du côté des grands opérateurs mondiaux, c’est la ruée. Ils sont tous là - Orange, Vodaphone, mais aussi le groupe koweitien Zain, sud-africain MTN, indien Bharti Airtel - à se disputer un marché en plein boom, qui génère des bénéfices colossaux.

 

Valentin a donc rejoint la grande cohorte de tous ceux qui jour après jour, consacrent beaucoup d’énergie à acquérir des « unités » pour leur portable, ces cartes prépayées adaptées à tous les budgets, vendues dans la rue, aux carrefours, dans les kiosques. Afin de capter une clientèle aux revenus souvent précaires, les compagnies de téléphonie mobile rivalisent de promotions alléchantes, vantées à grand renfort de panneaux publicitaires ou de spots TV et radio.

 

Dans des pays où les lignes de téléphone fixe sont en mauvais état ou ont cessé d’exister, l’arrivée du téléphone portable a profondément modifié les échanges. Plus besoin de parcourir des kilomètres pour avoir des nouvelles de la famille restée au village. Et les transferts d’argent sont désormais possibles via les mobiles, par un système de virement par sms baptisé M-Pesa. Bon pour le business ! Autant dire qu’on n’a pas fini d’entendre le fameux « Allo, t’es où ? » résonner en langue swahili, wolof, bambara, lingala, à l’unisson de la planète Terre, en voie de totale connexion.