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03/10/2009

Le portable de Valentin

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 4 octobre 2009

 

A peine débarqué de son Burkina Faso natal, Valentin a consacré à l’achat d’un téléphone portable la totalité de son premier salaire de jardinier dans un quartier chic d’Abidjan. Il passait ensuite ses journées avec son « cellulaire » vissé à l’oreille, parlant haut et fort, afin que nul n’ignore qu’il avait lui aussi rejoint la grande famille des « connectés ».

 

Il fut un temps en Afrique où un téléphone portable était un signe extérieur de richesse, que seuls pouvaient s’offrir les « en haut d’en haut », comme on appelle les riches et puissants dans le français d’Abidjan. Mais son usage s’est répandu comme une traînée de poudre jusque dans la brousse la plus profonde. Aujourd’hui, pas un chauffeur ni une vendeuse au marché ou encore un « businesseur » qui n’ait son portable. Même les féticheurs sont atteignables 24 heures sur 24. Du coup, les « grands quelqu’un » sont obligés de faire de la surenchère : dans les dîners en ville, les personnes importantes alignent ostensiblement trois ou quatre « phones » dernier cri.

 

Au cours de ces trois dernières années, la téléphonie mobile a certes explosé dans le monde entier. Mais c’est le continent africain qui a connu l’accélération la plus spectaculaire, avec une croissance de près de 50% par année. Et 100 millions de nouvelles lignes activées sur le continent pour la seule année 2008. Du côté des grands opérateurs mondiaux, c’est la ruée. Ils sont tous là - Orange, Vodaphone, mais aussi le groupe koweitien Zain, sud-africain MTN, indien Bharti Airtel - à se disputer un marché en plein boom, qui génère des bénéfices colossaux.

 

Valentin a donc rejoint la grande cohorte de tous ceux qui jour après jour, consacrent beaucoup d’énergie à acquérir des « unités » pour leur portable, ces cartes prépayées adaptées à tous les budgets, vendues dans la rue, aux carrefours, dans les kiosques. Afin de capter une clientèle aux revenus souvent précaires, les compagnies de téléphonie mobile rivalisent de promotions alléchantes, vantées à grand renfort de panneaux publicitaires ou de spots TV et radio.

 

Dans des pays où les lignes de téléphone fixe sont en mauvais état ou ont cessé d’exister, l’arrivée du téléphone portable a profondément modifié les échanges. Plus besoin de parcourir des kilomètres pour avoir des nouvelles de la famille restée au village. Et les transferts d’argent sont désormais possibles via les mobiles, par un système de virement par sms baptisé M-Pesa. Bon pour le business ! Autant dire qu’on n’a pas fini d’entendre le fameux « Allo, t’es où ? » résonner en langue swahili, wolof, bambara, lingala, à l’unisson de la planète Terre, en voie de totale connexion.