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10/01/2010

"Avatar", c'est tous les jours...

De Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 10 janvier 2010

  

A des années-lumière de la Terre, la planète Pandora est sous colonisation americano-occidentale. Un minerai rare suscite la convoitise d’une multinationale, la Compagnie, appuyée par des troupes militaires, bien décidée à exploiter coûte que coûte le filon. Avec ou sans l’accord des locaux, les Na’vi, grands aliens bleutés, qui vivent en harmonie avec une nature d’une beauté époustouflante.

 

C’est le scénario du film « Avatar », certes. Mais cela ne vous rappelle rien ? Cherchez bien : les bulldozers qui détruisent la forêt primaire, la guerre pour s’approprier des minerais stratégiques, des populations entières, pas forcément bleues, mais néanmoins chassées de leurs terres manu militari, un environnement dévasté… C’est bien cela : un tel scénario se déroule tous les jours. Non pas sur Pandora, mais sur la Terre, et pour de vrai.

 

Les compagnies minières occidentales, et désormais aussi chinoises, indiennes, ont pris le relais des conquistadors de jadis. Elles se livrent une guerre sans merci jusque dans les régions les plus reculées pour accéder aux minerais tant convoités : le coltane, l’uranium, la cassitérite, le nickel, l’or, la bauxite, le diamant… et le pétrole, partout. Les bulldozers qui détruisent Pandora, appuyés par des miliciens armés, sont chaque jour à l’œuvre au Katanga, dont le richissime sous-sol est mis à sac, dans la forêt amazonienne du Pérou, en Nouvelle-Calédonie, au Ghana et partout ailleurs.

 

Mais lorsque les hommes bleus du désert, les Touaregs, prennent les armes pour récupérer leurs terres, contaminées par l’uranium exploité au Niger par la compagnie française Areva, ils sont aussitôt qualifiés de « terroristes ». Les hommes bleus de la planète Pandora, eux, ont meilleure réputation.

 

C’est qu’en notre nom, des multinationales mettent la planète en coupe réglée, rentabilisent les richesses naturelles de la manière la plus sauvage, laissant derrière elles des champs de ruines et des terres polluées à jamais. A l’arrivée, une planète bien mal en point, au chevet de laquelle les grands de ce monde, réunis dernièrement à Copenhague, ont déclaré forfait.

 

Lorsque la planète Terre sera devenue invivable, que sa beauté aura été complètement saccagée, que les réserves de pétrole et de minerais stratégiques seront taries, devrons-nous émigrer sur d’autres planètes pour en exploiter les richesses et les détruire à leur tour ? C’est la question douce-amère que pose aux Terriens le cinéaste James Cameron dans son film « Avatar ». Signe des temps : ce sont les humains qui incarnent désormais les « méchants » au cinéma, et les extra-terrestres qui ont le rôle des « gentils ».