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17/03/2013

Un "Sommet mondial des matières premières" à Lausanne

Par Catherine Morand, journaliste

Du 15 au 17 avril prochain, l’Hôtel Beau-Rivage Palace à Lausanne accueillera la deuxième édition du « Sommet mondial des matières premières » organisé par le Financial Times, qui réunira des représentants des principales sociétés de trading, banques d’investissements et groupes actifs dans le secteur des matières premières à l’échelle mondiale.

Ce n’est pas un hasard si cet événement se tient en Suisse : au cours de ces dix dernières années, de nombreuses sociétés de négoce se sont installées dans l’arc lémanique et le canton de Zoug ; elles seraient désormais entre 400 et 500 sur les seuls bords du lac Léman.

Que des représentants de Glencore, Goldman Sachs, Total, BNP Paribas, Pictet Asset Management, Rio Tinto ou Vitol se retrouvent dans les salons cossus de l’Hôtel Beau-Rivage Palace à Ouchy-Lausanne, c’est leur droit le plus strict. Que des organisations qui sont actives dans des pays dont la pauvreté n’a d’égal que la richesse de leur sous-sol, ou encore des associations et partis politiques prônant solidarité internationale et justice fiscale estiment que c’est une bonne opportunité pour faire entendre leur voix, c’est tout aussi légitime.

C’est ainsi qu’une trentaine d’entre elles se sont réunies en un Collectif contre la spéculation sur les matières premières, pour rebondir sur l’actualité de ce « Sommet mondial » et dénoncer la spéculation qui fait exploser les prix des denrées alimentaires, les avantages fiscaux et la fuite des capitaux qui plongent les pays producteurs dans la misère, détruisent leur environnement, polluent les cours d’eau, chassent les populations de leurs terres.

Le samedi 13 avril à Lausanne se tiendra un forum qui donnera la parole à des ressortissants colombien, congolais, canadien, qui témoigneront des violations dont eux et leurs compatriotes sont victimes de la part de sociétés transnationales qui extraient la richesse de leurs sous-sols ; ou de fonds de pension qui achètent des milliers d’hectares, avec la complicité de leurs autorités. Le journaliste d’investigation Gilles Labarthe sera présent avec son dernier livre « Reportages de l’autre côté du monde », tout comme Jean Ziegler et son ouvrage « Destruction massive », le conseiller national Carlo Sommaruga ou encore le professeur d’université Sébastien Guex et l’historien zougois Jo Lang.

Le lundi 15 avril, une manifestation sillonnera les rues de Lausanne en demandant aux autorités fédérales de créer les bases légales pour que les entreprises ayant leur siège en Susse, respectent les droits humains et l’environnement partout dans le monde, prennent des mesures pour favoriser la transparence dans les flux financiers issus de l’exploitation des matières premières, et créent les bases légales contre la spéculation sur les matières premières agricoles. Autant de revendications formulées par les campagnes Droit sans frontières, Publiez ce que vous payez ou Stop à la spéculation.

C’est exactement ce que nous demandent les personnes qui se battent dans les pays dits du Sud, à savoir que nous exigions des sociétés actives dans leurs pays pour en extraire les richesses naturelles qu’elles respectent les mêmes normes qu’en Suisse ou ailleurs en Europe. Or, rien de tout cela pour l’instant. Il suffit de citer l’exemple du Delta du Niger où depuis une cinquantaine d’années, le pétrole brut pollue et détruit cette région, sans susciter le même scandale que la marée noire d’il y a trois ans, provoquée par BP dans le Golfe du Mexique, dont le procès vient de s’ouvrir.

Le gouvernement américain accuse le géant britannique de « faute lourde » et semble décidé à lui faire payer un maximum, à titre de dédommagement. Rien de tel en revanche pour les pays dits pauvres, qui ont beau s’époumoner pour dénoncer les désastres écologiques et sociaux dont ils sont le théâtre, ils peinent à être entendus et indemnisés. Selon que vous serez puissants ou misérables… disait un certain Jean de Lafontaine il y a à peine quatre siècles.(Publié dans le quotidien Le Courrier, Genève, le 15 mars 2013)

 

01/10/2012

Dur, dur, d'être fils à papa président

Par Catherine Morand, journaliste

Les fils ou les filles de présidents sont parfois d’une discrétion absolue. Mais il arrive aussi qu’ils fassent la «une» des gazettes, et pas forcément à leur avantage.Parmi les retentissants scandales de fils à papa enregistrés cette année figure en bonne place la perquisition du domicile parisien de Teodorin Obiang Nguema, fils du président de Guinée Equatoriale, dans le cadre de l’affaire dite des «biens mal acquis», vaste enquête qui traque sur le sol français les patrimoines immobiliers délirants appartenant aux familles régnantes des émirats pétroliers que sont le Congo-Brazzaville, la Guinée Equatoriale, le Gabon, l’Angola.

En février 2012, au 42 avenue Foch, à deux pas de l’Arc de Triomphe à Paris, des enquêteurs ont perquisitionné un immeuble entier de six étages, véritable caverne d’Ali Baba de 101 pièces s’étalant sur plus de 5000 m2, propriété de Teodorin Obiang Nguema. Ce sont au final l’équivalent de trois conteneurs qui ont été saisis. En septembre 2011, une dizaine de voitures hyper luxe avaient déjà été extraites du parking du même immeuble, scène surréaliste toujours visible sur Internet.

Lors de la vente aux enchères de la collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé en février 2009, celui dont la fonction officielle est d’être le ministre de l’Agriculture et des Forêts de Guinée Equatoriale avait alors acquis pour 18,35 millions d’euros d’œuvres d’art. Un montant payé directement par la «Somagui Forestal», société forestière sous contrôle direct de Teodorin Obiang Nguema. Lequel incarne la caricature du fils à papa, puisant sans retenue dans la cagnotte présidentielle, qui a perdu toute notion de la réalité. Et se moque comme d’une guigne de ses compatriotes qui croupissent dans une misère noire au pays.

Souvent, les fistons de «grands quelqu’un» – comme on qualifie les membres de la classe dirigeante en Afrique francophone – ont accès, comme leur père, au pactole généré par l’exploitation des ressources pétrolières, minières, forestières de leur pays, fruits des deals directs conclus en toute opacité avec des grandes compagnies, ravies de pouvoir faire du business sans limites. C’est ainsi que le Gabonais Ali Bongo, qui succéda dans des conditions très controversées à son président de père, s’offrait il y a deux ans un hôtel particulier à Paris pour la modique somme de 130 millions de francs. C’est lui qui préside désormais aux destinées du pétrole dont regorge son pays, et empêche quiconque d’y mettre son nez.

La pratique qui consiste à marcher sur les traces de leur papa président, dont ils reçoivent le pouvoir en héritage, est désormais une tendance lourde. Avec à la clé des modèles politiques tout à fait originaux et novateurs, qui ont pour nom «démocratie monarchique» ou «alternance de type dynastique». C’est ce qui s’est passé au Gabon, mais aussi en République démocratique du Congo, au Togo, et se trame ailleurs. Le colonel Kadhafi avait préparé ses fils pour lui succéder. Tout comme l’ex-président du Sénégal Abdoulaye Wade, qui a dû quitter le pouvoir sans avoir pu mettre son fils Karim sur les rails.

Mais est-ce bien raisonnable que le pillage des ressources de ces pays se transmette désormais de père en fils? L’exemple de la Guinée Equatoriale est certes extrême: la même famille est aux affaires de ce petit pays gorgé de pétrole et de bois tropicaux depuis des décennies. Mais ce n’est certes pas le seul, et de loin.

C’est la campagne sur les biens mal acquis, menée par plusieurs ONG françaises, qui a rendu possible la perquisition à Paris du palais des 1001 nuits de Teodorin Obiang Nguema. En Suisse, devenue en quelques années un hub de sociétés de négoce de matières premières, une cinquantaine d’ONG ont lancé la campagne «Droit sans frontières», assortie d’une pétition qui a recueilli 135'285 signatures remises le 12 juin 2012 au Conseil fédéral et au Parlement. Pour demander que les entreprises ayant leur siège en Suisse aient des comptes à rendre lorsqu’elles se comportent comme des gangsters à l’autre bout du monde. (publié dans le quotidien Le Courrier, Genève)