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17/05/2013

Avec ou sans pub ?

Par Catherine Morand, journaliste

Imaginons la ville d’Abidjan sans les panneaux publicitaires géants qui caractérisent son paysage urbain, longent les abords de ses artères, ou recouvrent les murs de ses immeubles. Inimaginable ? Pas si sûr.

C’est que sous d’autres cieux - le saviez-vous ? -  existe une mégalopole de 11 millions d’habitants, sans aucune publicité dans les rues. Pas le moindre petit panneau géant vantant les mérites d’une boisson gazeuse à l’horizon, aucun slogan sur les bus, ni de message défilant sur des panneaux lumineux. Des murs vides, no logo. Bienvenue à Sao Paulo ! Cela fait en effet depuis le mois de janvier 2007 que les habitants de la capitale économique du Brésil vivent dans une cité aux murs et aux vitrines dépouillés de toute image ou slogan à caractère commercial.

Auparavant, Sao Paulo était elle aussi saturée de panneaux publicitaires, recouverte d’affiches, souvent posées en toute illégalité. On parle alors de cinq millions d’affiches pour 20 millions d’habitants… On frise l’asphyxie. Pour reprendre la main face à une situation devenue incontrôlable, le maire de la ville prend alors une décision radicale : l’interdiction de toute publicité sur la voie publique, du jamais vu.

L’année dernière, ils étaient toujours 70% à juger « bénéfique » le choc décidé par le maire d’alors Gilberto Kassab, pourtant loin d’être un adversaire de la société de consommation, mais qui avait lancé son programme « Ville propre » pour lutter contre ce qu’il qualifiait de « pollution visuelle » . Sa loi interdisant tout affichage publicitaire dans l’espace public avait été votée à une majorité écrasante par 45 élus contre 1. Et en quelques semaines, les milliers de panneaux qui recouvraient la ville avaient été retirés. Et les récalcitrants amendés.

Six ans plus tard, le paysage urbain est déroutant. Sao Paulo est certes débarrassée de toute trace de pub et la population apprécie ce nouvel environnement apaisé, qui lui a permis de redécouvrir l’architecture de sa ville. Mais les structures qui abritaient les panneaux publicitaires n’ont pas toutes disparu. Ces grands cadres vides, ces toiles d’araignée métalliques, inutiles, donnent à la métropole un petit air de science-fiction. Les rues, privées d’enseignes lumineuses, sont devenues moins sûres.Certains trouvent même à Sao Paulo un air un peu triste, un côté pays de l’Est avant la chute du Mur de Berlin. Aussi la mairie a-t-elle entrepris d’ « d’habiller »  les façades nues de la ville en recourant à  des photographies, des graffitis, des sculptures ou encore à des installations lumineuses.

Reste que la capitale économique du Brésil demeure pour l’heure la seule à avoir adopté des mesures aussi radicales. Certes, en Argentine, Buenos Aires réfléchit elle aussi à limiter l’emprise publicitaire sur la ville. En Italie, les Romains ont manifesté à plusieurs reprises contre l’invasion des panneaux publicitaires. Et Paris tente de réduire la densité des pubs dans les rues de la capitale. Mais une interdiction totale n’est nulle part à l’ordre du jour.

Au contraire. Dans les capitales de l’ex-bloc de l’Est, longtemps exemptes de pub, les immeubles du centre ville sont souvent recouverts de panneaux publicitaires tellement gigantesques que les médias nationaux s’en sont émus. Et ont dénoncé le calvaire enduré par exemple par les habitants de la capitale polonaise Varsovie, contraints de vivre fenêtres fermées derrière des bâches à l’effigie de George Clooney vantant une marque de café ou celle d’un parfum glamour. Les grandes métropoles asiatiques sont également au bord de l’étouffement. A Shangaï, le long du trajet menant de l’aéroport de Pudong au centre ville, les panneaux publicitaires, sur certains tronçons, sont tellement élevés, qu’ils masquent le paysage.

Mais les panneaux gigantesques placardés dans les villes servent parfois à faire passer d’autres messages. En Chine, ils sont utilisés pour lutter contre la corruption. Aux USA, les photos de criminels recherchés sont affichées sur des supports électroniques. Et en 1969, en pleine guerre du Vietnam, le Beatle John Lennon et sa femme Yoko Ono faisaient placarder dans une douzaine de capitales des panneaux géants où l’on pouvait lire : « LA GUERRE EST FINIE ! Si vous le voulez». (publié dans le quotidien Fraternité Matin (Abidjan) du 17.5.203)

10/05/2013

"Paris Match", le président du Niger et l'uranium

Par Catherine Morand, journaliste

 

Le poids des mots, le choc des photos. Dans l’édition de Paris Match de la semaine dernière, le président du Niger Mahamadou Issoufou, prend la pose avec deux de ses enfants, juste avant un article très people sur Charlotte de Monaco. « Le président du Niger aide la France dans sa lutte contre Aqmi mais attend qu’on paie son uranium plus cher », résume l’hebdomadaire. « Nous sommes derniers parmi les pays de la planète pour la richesse par habitant et pour l’espérance de vie, alors que nous produisons de l’uranium. C’est un scandale, lit-on dans l’interview accordée à Paris Match par le président du Niger. Donc, il faut rééquilibrer le partenariat que nous avons avec Areva. »

Le président du Niger est un grand communicateur, qui accorde volontiers des interviews à des médias étrangers et internationaux dans lesquels il explique son souhait de tirer un meilleur prix de l’uranium dont son pays est l’un des principaux producteurs. Mais aussi de son engagement aux côtés de la France pour lutter contre le « terrorisme », tout en confirmant la présence de drones américains à Niamey, la capitale, lesquels mènent régulièrement des opérations de renseignements au Mali voisin. Ainsi que celle de commandos de forces spéciales françaises qui sécurisent les mines d’uranium exploitées par la société Areva, dont la production alimente les centrales nucléaires de l’hexagone.

Le Niger se retrouve désormais au cœur de la tourmente, avec, à l’ouest, le Mali en guerre contre les djihadistes, au nord, la Libye en plein chaos, au sud, le Nigeria et sa secte Boko Haram, ses enlèvements et ses attentats meurtriers. C’est dans cet environnement difficile que des organisations de la société civile nigérienne continuent à lutter en faveur d’une gestion transparente des revenus de l’uranium, mais aussi de l’or et désormais du pétrole, que le Niger exploite depuis fin 2011.

Lors d’un récent passage en Suisse pour participer à une conférence sur la transparence dans le secteur des matières premières, Ali Idrissa, le responsable du ROTAB, un réseau d’organisations nigériennes mobilisées sur ces questions, avait plaidé pour que les richesses du sous-sol nigérien servent réellement à améliorer les conditions de vie de la population. Et n’avait pas hésité à établir un lien entre une jeunesse désoeuvrée, sans aucune perspective professionnelle, et son enrôlement au sein de groupes d’extrémistes ou de trafiquants.

Il faut relever le courage de ces réseaux d’organisations de la société civile nigérienne, tels que le ROTAB et le GREN, lesquels, dans un environnement particulièrement difficile, luttent avec courage pour que leurs concitoyens sortent de la pauvreté extrême à laquelle ils semblent condamnés, en dépit de la richesse de leur sous-sol. A l’instar du président Mahamdou Issoufou dans Paris Match, ces réseaux plaident en faveur d’une renégociation des contrats miniers, souvent conclus au total détriment du Niger. Ils dénoncent également  la persistance d’une gestion opaque de ces revenus, même si la nouvelle Constitution du Niger, élaborée en 2010, mentionne désormais expressément en son article 149 la nécessité d’une exploitation et d’une gestion des ressources naturelles et du sous-sol dans la transparence.

Les ressources naturelles du Niger sont en tout cas de plus en plus convoitées. Après  la Chine, omniprésente au Niger dans le secteur du pétrole,  et dans une moindre mesure de l’uranium, l’Iran faisait le mois dernier une entrée fracassante, avec la visite officielle du président iranien Ahmadinejad, qui a fait part  de son intérêt pour le « yellow cake » nigérien. Pris en étau entre sa coopération avec la France et les Etats-Unis dans la lutte contre le djihadisme et sa volonté de tirer un meilleur prix des richesses du sous-sol de son pays, le président Mahamadou Issoufou évolue sur une corde raide. Tout comme les organisations de la société civile, qui continuent à faire entendre courageusement leur voix, pour faire avancer la cause de la démocratie et de la transparence dans leur pays. (Publié dans le quotidien Le Courrier, Genève, 10.5.2013)

 

03/05/2013

Le Prix littéraire Ahmadou Kourouma fête ses dix ans

Par Catherine Morand, journaliste

Il y a tout juste dix ans, le 11 décembre 2003, l’auteur de « Les soleils des indépendances » Ahmadou Kourouma décédait en France. C’est cette même année que l’éditeur suisse Pierre-Marcel Favre, fondateur du Salon international du livre et de la presse de Genève, ainsi que le professeur émérite de la Sorbonne Jacques Chevrier, décidaient de créer le Prix littéraire Ahmadou Kourouma, pour rendre hommage à l’immense écrivain.

C’est aujourd’hui même à Genève, dans le cadre du Salon africain du livre, que le Prix Ahmadou Kourouma est remis pour la dixième fois. L’année dernière, le ministre de la culture et de la francophonie Maurice Bandaman avait fait le déplacement en Suisse à cette occasion. Aux côtés du professeur Jacques Chevrier, il avait personnellement remis ce prix prestigieux à sa lauréate l’écrivaine rwandaise Scholastique Mukasonga, pour son ouvrage « Notre-Dame du Nil ». Lequel raconte de manière saisissante le prélude du génocide des Tutsi, dans le huis-clos d’un lycée de Kigali.

Le discours du ministre Maurice Bandaman avait été empreint d’une grande émotion lorsqu’il avait rendu hommage à Ahmadou Kourouma, en présence de la veuve de l’écrivain, Christiane Kourouma, assise au premier rang d’une assemblée composée de nombreux représentants des missions diplomatiques en poste à Genève. Le ministre avait également exprimé, au nom de la Côte d’Ivoire, le souhait de voir la dépouille de l’auteur de « Allah n’est pas obligé » retrouver la terre de ses ancêtres. L’écrivain est en effet enterré à Lyon, où, en guise d’hommage, une maison qui abrite des associations artistiques et culturelles porte son nom dans le Jardin des Chartreux. Le souhait exprimé par la voix du ministre Bandaman fait depuis lors son chemin...

L’année dernière déjà, et à nouveau pour cette édition 2013, Isabelle Kassi Fofana, directrice de Frat Mat Editions et responsable de l’association Akwaba Culture à l’origine de la création du Prix Ivoire pour la littérature africaine d’expression francophone, est l’invitée du Salon africain du livre de Genève. Elle prend aujourd’hui la parole lors de la remise du Prix Ahmadou Kourouma pour rappeler les liens entre ces deux prix littéraires, désormais jumelés. L’écrivaine sénégalaise Mariama N’Doye, qui avait reçu le Prix Ivoire en 2012 pour son œuvre « L’arbre s’est penché », est également présente à Genève, où elle participe à plusieurs tables-rondes, aux côtés d’Isabelle Kassi Fofana.

La grande dame de la littérature ivoirienne Tanella Boni avait reçu le Prix Ahmadou Kourouma en 2004 pour ses « Matins de couvre-feu », tout comme son compatriote Koffi Kwahulé pour son « Babyface » publié en 2006. Mais aujourd’hui, après la Rwandaise Scholastique Mukasonga, le Congolais Emmanuel Dongala, le Béninois Florent Couao-Zotti, c’est au tour de l’immense écrivain guinéen Tierno Monénembo de recevoir le Prix Ahmadou Kourouma 2013, pour son ouvrage « Le Terroriste noir » publié aux Editions du Seuil. Un roman qui raconte l’incroyable histoire d’Addi Bâ, un jeune Guinéen adopté en France à l’âge de 13 ans, incorporé dans le 12e régiment des tirailleurs sénégalais durant la Seconde Guerre mondiale, avant de rejoindre la résistance. Les Allemands le surnommeront alors « le terroriste noir ».

A relever que « Le rebelle et le camarade Président » de Venance Konan, DG du groupe Fraternité Matin, figurait parmi les ouvrages qui concouraient pour l’édition 2013 du Prix Kourouma, aux côtés, entre autres, de « Fleur de Béton » du franco-congolais Wilfried N’Soundé, et de « Si d’aimer », de la camerounaise Hemley Boum. Les délibérations du jury – dont j’ai l’honneur de faire partie – furent vives. Mais le président du jury Jacques Chevrier laissa entendre qu’il est rare que le même auteur remporte plusieurs prix la même année. Or, Venance Konan vient de remporter le Grand Prix Littéraire d’Afrique noire pour son livre « Edem Kodjo, un homme, un destin », qui lui a été remis lors d’une cérémonie prestigieuse durant le dernier Salon du livre de Paris. (Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, le 3 mai 2013)