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10/11/2012

Et si la Suisse devenait sale ?

Par Catherine Morand, journaliste

La Suisse est un pays propre… Qui en douterait  ? Pas les touristes qui s’y pressent en tout cas, et qui sont tout étonnés de voir dans les rues des voiturettes qui nettoient à l’eau et au savon les trottoirs des villes… Lorsque je les vois passer sous les fenêtres de l’immeuble où se trouve mon bureau, je me marre parfois en me rappelant les exclamations incrédules d’amis vivant sous d’autres cieux, de passage en Suisse, totalement fascinés par ces engins nettoyeurs et leurs balais rotatifs, qui frottent le pavé.

C’est déjà au niveau de l’école que les petits Suisses sont formatés « propres en ordre », qu’on leur enseigne à ne jamais rien jeter par terre, et à ne pas se tromper de poubelle parmi toutes celles qui sont mises à leur disposition dans les rues : il y a celles pour le papier, d’autres pour les bouteilles en pet, pour les canettes en aluminium, pour le verre… Et pareil à la maison. Les familles sont priées de trier leurs ordures, sous l’œil vigilant des rejetons, qui accablent de reproches leurs parents si ceux-ci ne trient pas correctement leurs ordures.

Essayez de jeter une peau de banane dans la rue en Suisse. Il y a de fortes chances pour qu’on vous jette un regard courroucé, voire même qu’on vous demande de ramasser illico presto votre malheureuse pelure. C’est ce qui m’était arrivé une fois à la gare de Vallorbe, à la frontière entre la Suisse et la France, où, depuis la fenêtre du train à l’arrêt, j’avais jeté un emballage en papier. Le chef de gare m’avait fait descendre sur le quai immaculé, pour ramasser ma boule froissée, la honte !

Mais voilà que depuis quelque temps, des lézardes sont venues fissurer le mur de la propreté helvétique. Car les jeunes Suisses, comme leurs homologues d’autres pays, se saoulent désormais consciencieusement chaque fin de semaine. Et laissent traîner des monceaux de canettes, verres, bouteilles, restes de McDo dans les rues, au grand dam du reste de la population. J’étais dernièrement dans un de ces petits villages idylliques, avec maisonnettes de carte postale, géraniums aux fenêtres, et tout à coup, une scène d’horreur : sur le bas-côté de la route, des bouteilles vides, des cartons de bière éventrés, des verres brisés, témoignant d’une fin de semaine arrosée. « Encore ces jeunes », a bougonné un passant, excédé.

Les jeunes auraient-ils besoin d’un environnement un peu moins ripoliné pour se sentir à l’aise ? Surtout qu’un autre front de contestation vient de s’ouvrir. Selon le principe du pollueur/payeur, les citoyens suisses sont désormais priés de payer au prix fort leur sac poubelle. Donc, moins on trie ses ordures, et plus on doit payer cher pour un plus grand nombre de sacs, vous me suivez ? Les citoyens ont même voté eux-mêmes pour cette taxe au sac poubelle, qui génère cependant des fraudes et des incivilités. Puisque des gens balancent désormais leurs ordures n’importe où pour échapper à la taxe, ou alors abandonnent leur sac poubelle dans des lieux inappropriés. « Les gens sont des cochons », titrait le 6 novembre dernier le quotidien suisse Le Matin, citant un gérant d’immeubles qui retrouve régulièrement des bouteilles, des chaussures, des mégots, des restes de nourriture à l’arrière du locatif où il réside.

Et si je vous parlais des sacs pour crottes de chien ? C’est parti… Dans un pays, la Suisse, où les compagnons à quatre pattes remplacent parfois les enfants, ou tiennent compagnie aux personnes âgées et esseulées, les crottes qui s’accumulent sur les trottoirs sont carrément devenues un problème national. Comment le résoudre ? En collant des amendes aux propriétaires de chiens s’ils ne ramassent pas eux-mêmes les crottes de leur animal, qu’ils sont désormais sommés de faire disparaître dans de petits sacs en plastique, mis à leur disposition. Alors si vous voyez dans les rues des distributeurs de sachets verts sur lesquels il est écrit « Servez-vous ! », vous saurez de quoi il s’agit… (Publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, le 9.11.2012)