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25/11/2012

De plus en plus de jeunes font le ramadan en Europe

Par Catherine Morand, journaliste

Federico a 22 ans et vit à Genève en Suisse. Son père est d’origine espagnole, sa mère est Suisse. Mais il y a trois ans, il a choisi de se convertir à l’islam, par amour pour sa copine, de religion musulmane, mais aussi par conviction, par quête spirituelle, pour tenter de trouver une réponse aux question qu’il se pose. Il s’est laissé pousser la barbe, se fait appeler par son nom musulman, Bilal, fréquente surtout des coreligionnaires. A la veille du ramadan, il a annoncé à ses parents qu’il partait vivre son jeûne au Burkina Faso, où il a des amis, et qu’il ne savait pas quand il rentrerait. Ses parents s’en inquiètent ; même s’ils respectent son engagement, ils craignent d’avoir « perdu » leur fils.

C’est devenu une tendance lourde : de plus en plus de jeunes font le ramadan en Europe, qu’ils soient issus de l’immigration ou non. Au sein d’un groupe d’amis, ceux qui font le jeûne du ramadan sont du coup auréolés d’une force de caractère que les autres admirent, voire leur envient. Pensez : rester toute une journée sans manger ni boire, alors que le soleil tape, il faut avoir un mental d’acier, des convictions, pour tenir. Même si, souvent, il s’agit d’un ramadan « à la carte », avec un côté festif, très laïc. Certains font les prières, mais jeûnent alternativement un jour sur deux. D’autres ne font pas les prières, mais observent strictement le jeûne, qu’ils « cassent » entre amis, à la tombée du jour. Ce qui ne les empêche pas ensuite d’aller en boîte, et même d’y prendre une belle cuite.

Federico, lui, ne touche plus une goutte d’alcool depuis qu’il s’est converti. Il raconte d’ailleurs volontiers que c’est également un des aspects qui lui ont fait embrasser l’islam, tellement il n’en pouvait plus de voir ses anciens camarades se saouler « comme des malades » chaque weekend, papillonner de fille en fille, sans aucun respect ni pour eux-mêmes, ni pour elles ; et d’avoir comme seul but dans l’existence d’acheter des habits de marque et de faire du « show off », comprendre : se pavaner et se dandiner dans des fêtes fortement alcoolisées sur fond sonore démentiel. Parfois jusqu’au coma éthylique.

Jean-Pierre, lui, vit à Lausanne. Son père est Suisse, sa mère Libanaise. Même si sa mère n’est pas pratiquante, il a choisi de se convertir à l’islam à 20 ans (il en a aujourd’hui 24). Dans son choix, la révolte suscitée par les bombardements d’Israël sur le Liban en 2006 ont joué un rôle, tout comme les guerres pilotées par les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan dans la foulée du 11 septembre 2001. Sa conversion s’est accompagnée d’une véritable prise de conscience politique, d’une aspiration à un monde plus juste, où la loi du plus fort ne serait pas la règle. Aujourd’hui, il se fait appeler par ses amis de son nom musulman, Boubacar, Bouba pour les intimes. Ces jours, il observe le ramadan, fait ses cinq prières consciencieusement, a totalement renoncé à l’alcool et à toute substance illicite. Il fait toujours partie du même groupe d’amis, qui l’admirent car il a désormais pris sa vie en main, opté pour un métier social, qu’il lie aux préceptes de l’islam. La religion musulmane lui a apporté un équilibre, une sérénité, et un engagement personnel vis-à-vis de la société dans laquelle il évolue et dans laquelle il se sent bien.

On est loin des craintes parfois un peu hystériques qui voudraient que chaque jeune converti en Europe, qui s’engage pour ses idées, finisse forcément dans des camps d’entraînement djihadistes en Afghanistan ou en Somalie.

La foi musulmane, comme antithèse de la culture totalement pervertie et décadente qui est distillée aux jeunes du monde entier via la chaîne de télévision MTV, qui valorise la débauche, le non-respect des parents, la déglingue sous toutes ses formes ? En écoutant les témoignages de ces jeunes, il y a un peu de cela dans leur conversion. Ils suivent par ailleurs certaines de leurs idoles qui ont franchi le pas, et qui ont pour nom : Akhenaton, Diam’s, Abd Al Malik, Ice Cube, Wesley Snipes, Mike Tyson, Nicolas Anelka ou Frank Ribéry, avant leur "chute" pour ce qui concerne ces deux derniers. (publié dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, 3.8.2012)