14/02/2013
Scandales alimentaires, agriculture bio, etc.
Par Catherine Morand, journaliste
A l’heure où un nouveau scandale alimentaire secoue l’Europe, le bio, plus que jamais, a le vent en poupe dans notre pays. Nos distributeurs fétiches que sont la COOP et la Migros l’ont bien compris, puisqu’ils augmentent régulièrement le volume de leur gamme bio, quitte à faire venir, des quatre coins du monde, des produits estampillés bio.
Savoir s’il est positif ou non pour les pays dits du Sud d’exporter massivement des produits alimentaires bio – eux qui ont déjà tous, peu ou prou, des difficultés à assurer leur propre approvisionnement – fait désormais débat. Une pièce de plus à verser au dossier noir d’un système agricole et alimentaire mondial devenu fou, où pratiquement chaque aliment, avant d’atterrir dans notre assiette, a parcouru trois fois le tour de la planète.
Pourtant, au cours de ces dernières années, rapports, études et conclusions d’experts se sont multipliées pour affirmer qu’un conversion planétaire à une agriculture bio de proximité ne représenterait ni une utopie, ni un retour vers le passé, mais bien plutôt la voie royale pour répondre aux défis du futur en matière d’alimentation. Non seulement pour nourrir une population mondiale en constante augmentation, mais aussi pour sauver des terres devenues stériles après avoir été saturées d’intrants chimiques, ou encore pour faire face aux changements climatiques, et en atténuer les effets désastreux.
De nombreuses recherches tordent par ailleurs le cou aux préjugés selon lesquels, par exemple, l’agriculture bio serait un luxe pour les pays pauvres. Or, c’est de tout le contraire qu’il s’agit puisque c’est précisément en Afrique, en Amérique latine et en Asie, dans des régions où sévit souvent une famine endémique, que l’amélioration de la productivité est la plus spectaculaire.
Ainsi, une étude sur 7 ans portant sur 1000 fermiers cultivant 3'200 hectares dans le district de Maikaal dans le centre de l’Inde établit que la production moyenne de coton, de blé et de piment était jusqu’à 20% supérieure dans les fermes biologiques par rapport aux fermes conventionnelles de la région. Dans un contexte de grande précarité économique, ce type d’agriculture permet par ailleurs aux petits producteurs de sortir du cycle infernal des dettes qu’ils contractent pour acheter, au prix fort, des intrants chimiques et autres semences hybrides ou transgéniques. Et de vivre du produit de leur travail sans avoir à prendre le chemin de l’exil.
Le plus grand défaut de l’agriculture bio ? Elle ne rapport précisément rien aux multinationales agrochimiques, aux grands semenciers, qui exercent des pressions insensées dans le monde entier pour imposer leurs produits et leur modèle d’agriculture industrielle chimique et transgénique.
L’avocate indienne Shalini Bhutani, de passage en Suisse, avait d’ailleurs vivement dénoncé une réalité qui la révolte. « Difficile d’accepter que vous, ici en Suisse, puissiez choisir une agriculture sans OGM, exiger des produits bio, alors que dans le même temps, dans mon pays, en Inde, la compagnie suisse Syngenta fasse pression sur nos politiciens, nos ministre, profite de tous les vides juridiques imaginables pour imposer le tout chimique et le tout transgénique à notre agriculture », avait-elle lancé. Une exaspération qui se comprend : l’Inde continue à payer au prix fort les effets pervers de la Révolution verte, qui a précisément misé sur un recours massif aux engrais et aux pesticides de synthèse.
C’est pourtant ce même modèle agricole qu’est en train de vouloir imposer au continent africain l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA), soutenue par les fondations américaines Rockefeller et Bill Gates, qui veulent booster la productivité agricole de l’Afrique à coups de tonnes de produits chimiques, mais aussi de semences transgéniques. L’AGRA investit d’ailleurs un nombre croissant de centres de recherche agricoles sur le continent. Pour travailler à la modification génétique de plantes tropicales, avec, à la clé, de juteux brevets pour Monsanto, Syngenta, Bayer and co. (publié dans le quotidien Le Courrier de Genève, le 15.2.2013)