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26/01/2013

Les "méchants islamistes", nouveaux héros de Hollywood

Par Catherine Morand, journaliste

Dans les séries et les films américains, les méchants, pendant plusieurs décennies, c’étaient les communistes, les agents de Moscou, ces espions venus de l’Est, qui s’infiltraient à l’Ouest, pour détruire le monde capitaliste. Rappelez-vous des films de James Bond dont l’action se situe souvent durant la Guerre froide : l’agent 007 recourt à toute sorte de gadgets pour sauver le « monde libre » et venir à bout d’agents du KGB.

Les choses, alors, étaient simples, le bloc capitaliste faisait face au bloc communiste, on savait qui étaient les gentils ou les méchants. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes hollywoodien, lorsque, patatras, tout s’effondre en 1989 avec la chute du Mur de Berlin, suivie par l’implosion de l’URSS en 1991.

Détresse et vent de panique chez les scénaristes de Hollywood, complètement désemparés, privés de leurs repères. Quoi, n’y aurait-il plus de méchants ? Comment allaient-ils faire désormais pour écrire leurs scénarios de films si l’Oncle Sam n’avait plus d’ennemis ?

Et puis, le miracle : le 11 septembre 2011, l’Amérique est attaquée, les symboles mêmes de sa toute-puissance, les tours jumelles du World Trade Center, sont détruites par des « islamistes arabo-musulmano terroristes ». L’Amérique, et avec elle le reste du monde, découvre alors le visage hideux de ses nouveaux ennemis. Aussitôt, les claviers d’ordinateur des scénaristes de Hollywood recommencèrent à crépiter : les méchants communistes pouvaient reposer en paix, ils avaient désormais de vaillants remplaçants.

Et depuis lors, on ne peut plus respirer. Combien de films et de séries américaines avons-nous vu défiler devant nos yeux fatigués avec, toujours, les mêmes ennemis désignés, tout droit sortis des zones tribales qui jouxtent l’Afghanistan, des écoles coraniques d’Islamabad ou du grand bazar du Caire ou de Téhéran ?

Actuellement, on frise carrément l’overdose. Ainsi, cette semaine, le 23 janvier 2013 pour être précis, sort en France le film choc « Zero Dark Thirty » qui met en scène la traque et la mort d’Oussama Ben Laden. Et si le film suscite des polémiques aux Etats-Unis, ce n’est pas parce que des militaires américains ont assassiné un homme sur le territoire d’un pays souverain, au lieu de l’arrêter et de le confier à la justice, mais parce qu’il montre des scènes de torture de présumés « terroristes islamistes » pratiquées par des agents de la CIA. « Zero Dark Thirty » demeure un film de propagande à la gloire d’une Amérique toute puissante et justicière, qui combat et vainc ses ennemis, qui appartiennent forcément à l’axe du mal. Comme les communistes avant eux.

Et lors de la récente cérémonie des Golden Globes à Los Angeles – sorte de répétition générale de la remise des Oscars du 24 février prochain – c’est le film « Argo », réalisé et joué par Ben Afleck, qui a été distingué. Le scénario met en scène l’exfiltration d’Iran en 1979 de six membres de l’ambassade américaine par des agents de la CIA. Une histoire vraie, mais racontée de manière caricaturale, donnant à voir l’image d’un Iran et d’un islam sauvages, avec des pendus en plein rue, des gens fouettés publiquement, des exécutions sommaires, tandis que les Etats-Unis sont présentés, sans surprise, comme le pays des libertés.

Quant à la fameuse série « Homeland », également primée aux Golden Globes, elle met en scène un marine américain qui aurait été converti et retourné après avoir été détenu huit ans par Al Qaida. Lorsque l’agente de la CIA qui le suspecte se rend à Beyrouth, « on ne voit que des femmes voilées en noir comme si on était dans le fief des talibans » s’insurge sur son blog le célèbre écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, qui estime que le ministre libanais du tourisme a eu bien raison de porter plainte contre cette image négative que donne « Homeland » de la capitale libanaise. Pour Tahar Ben Jelloun en tout cas, il est clair que désormais « l’islam et le monde arabe ont remplacé le communisme et l’Union soviétique dans l’imaginaire américain ». (publié dans le quotidien "Fraternité Matin", Abidjan, 25.1.2012)

22/01/2013

Interdiction des sacs en plastique : l'Afrique montre l'exemple

Par Catherine Morand, journaliste

La planète consomme un million de sacs en plastique chaque minute. Un véritable fléau, tout particulièrement dans les pays, nombreux, qui n’ont pas de systèmes de collecte et de recyclage des déchets dignes de ce nom. Un nombre croissant de pays déclarent la guerre à ces sachets, dont le temps d’utilisation se situe à 25 minutes en moyenne, tandis qu’ils mettent en entre 150 et 400 ans pour se dégrader. Le continent africain, le plus coercitif en la matière, semble désormais montrer l’exemple au reste du monde.

Derniers pays africains à rejoindre le mouvement : le Mali et la Mauritanie, qui ont démarré la nouvelle année en fanfare, en interdisant résolument, dès le 1er janvier 2013, la production, la commercialisation et l’usage de sachets en plastique sur l’ensemble de leurs territoires respectifs. En Mauritanie, la mesure d’interdiction prévoit des peines de prison ferme pouvant aller jusqu’à un an pour les contrevenants, ainsi que des amendes atteignant jusqu’à un million d’ouguiyas, soit l’équivalent de 2500 euros.

C’est dire si Nouakchott n’a pas l’intention de plaisanter, pas plus que Bamako, qui qualifie depuis des années de « fléau désastreux » pour l’environnement et la vie des Maliens ces tonnes de sacs en polyéthylène, qui bloquent les caniveaux et les systèmes d’évacuation, propagent la malaria puisque les moustiques y trouvent des flaques d’eau tiède, tapissent les fonds des lacs et des rivières, étouffent le bétail. D’ailleurs, le saviez-vous ? La panse de près de 80% des bovins tués aux abattoirs de Nouakchott contient des sachets en plastique…

C’est le Rwanda qui, le premier, a montré l’exemple, en devenant, en 2007, le premier pays africain, voire du monde, à interdire les sacs en plastique sur l’ensemble de son territoire, et en faisant strictement respecter sa décision. Les passagers qui débarquent à l’aéroport de Kigali doivent d’ailleurs s’attendre à se faire confisquer leurs sachets en plastique, qu’on leur échange contre des sacs fabriqués localement en matières biodégradables.

L’Afrique du Sud, la Somalie, l’Erythrée, l’Ouganda, la Tanzanie, le Gabon, le Kenya, le Congo, ont suivi le mouvement. D’autres pays, sans l’interdire complètement, mènent d’importantes actions de sensibilisation et de lutte contre la prolifération des petits sachets. C’est le cas du Burkina Faso, dont les autorités ont par exemple organisé à Ouagadougou un concours intitulé « Zéro sachet plastique » qui a permis, en l’espace d’une semaine de collecter 350 tonnes de déchets plastiques dans la capitale. L’arrondissement le plus zélé s’est même vu attribuer un prix en guise de récompense.

Cette masse,une fois recyclée, entre dans la fabrication, au Burkina Faso, de chaises, de seaux et d’ustensiles de cuisine. Tandis qu’à Madagascar, un projet mené par l’ONG française Gevalor recycle les sacs en plastique dans la fabrication de pavés.

La décision prise par la Mauritanie et le Mali d’interdire les sachets en plastique dès le 1er janvier 2013 suscite des réactions dans les pays de la sous-région. Ainsi, le 4 janvier, sur le site Seneweb, un internaute demandait ce qu’attendent les autorités sénégalaises pour emboîter le pas à leurs homologues maliens et mauritaniens, estimant « qu’elles ne semblent pour l’instant pas trop emballées ni par une taxation ni par le recyclage de ces sacs plastiques », même si à Dakar, Thiès ou Touba, ils polluent l’environnement de la population.

Du coup m’est revenue à l’esprit cette vision apocalyptique de la capitale tchadienne N’Djamena où j’avais passé quelques jours : des arbustes auxquels s’accrochaient à perte de vue des sachets en plastique noirs, tels de sinistres corbeaux, ou encore stratifiés dans la terre des rues, étouffant les champs, emportés par les pluies et les eaux de ruissellement jusque dans le fleuve Chari, lequel se jette dans le lac Tchad, dont le fond serait, dit-on, tapissé de plastique noir… (publié dans le quotidien Le Courrier (Genève), Fraternité Matin (Abidjan)

 

07/01/2013

Noël et les lumières de la ville

« Les lumières de la ville » (City Lights) est le titre d’un film signé et joué par le génial Charlie Chaplin dans les années 30. Ce titre convient aussi parfaitement pour qualifier la période de Noël, et l’émerveillement de millions de citadins de par le monde qui redécouvrent leur cadre de vie paré de ses habits de lumière.

 

Pour la deuxième année consécutive, c’est désormais aussi le sort envié des Abidjanais, qui ne boudent par leur plaisir. L’année dernière, ils furent des milliers à converger vers le Plateau, pour admirer ces magnifiques sculptures de lumières, qui mirent du baume au cœur et à l’âme des gens, après tant de souffrances.

 

Cette année, l’engouement est à nouveau au rendez-vous, et la magie opère, y compris dans les communes d’Abobo, Yopougon, Treichville et Cocody où l’opération « Abidjan, ville lumière » a été étendue. Et les témoignages enchantés, émerveillés, de la population se multiplient. Dans le quartier d’Abobo, au rond-point Anador, une colombe de la paix stylisée, face à la représentation des sept femmes tuées pendant la crise, invite au recueillement, au pardon, et illustre le thème des illuminations de cette année : réconciliation, reconstruction et paix.

 

Abidjan vit cette période de fêtes à l’unisson des grandes capitales, qui rivalisent chaque année en imagination, en couleurs et en formes scintillantes, pour plonger les habitants dans une atmosphère féérique. C’est également le cas des Champs-Elysées, l’une des avenues les plus célèbres du monde, qui n’a pas lésiné sur les illuminations : entre la Place de la Concorde et celle de l’Etoile, 1,5 million de lumières ont été installées, ainsi que 200 anneaux lumineux au-dessus des arbres de l’avenue.

 

Mais cela n’empêche pas les critiques de fuser, dans les journaux comme sur les réseaux sociaux. « Ces illuminations qui narguent les pauvres… » titre ainsi Agora Vox, qui rappelle les 3 millions de chômeurs et plus de 8 millions de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté en France, ce qui n’empêche en rien Paris, mais aussi Lyon, Marseille, Toulouse, de s’illuminer. « Cette débauche de lumières et de décorations et de strass devient indécente face à la crise que nous subissons de plein fouet », s’indigne celui qui se qualifie de « média citoyen », qui liste au centime d’euro près « les dépenses somptueuses » consenties par les villes françaises, malgré la précarité dans laquelle vivent un grand nombre de leurs concitoyens.

 

Le débat est lancé. Et chacun y va de son analyse. « C’est la crise, d’accord, mais on ne va pas non plus vivre à la lueur des bougies », clame cet internaute. « Laissez nous rêver un peu, la réalité nous rattrapera bien assez vite », plaide encore cette mère de famille de Lyon, qui raconte l’émerveillement de ses enfants pendant la « Fête des lumières » qui s’y déroule chaque année au mois de décembre. « Les illuminations de Noël doivent-elles être maintenues en temps de crise ? » demandait ainsi dernièrement le Figaro sur son site internet. Ce à quoi un lecteur répondait, ironique : « Non, j’ai d’ailleurs enlevé toutes les ampoules électriques chez moi, coupé le gaz, supprimé le chauffage, et je ne n’utilise plus ma voiture. »

 

Partout, le débat est le même, y compris à Abidjan. « On va manger lumière » titrait cette semaine le journal satirique Bol’Kotch, faisant ainsi allusion à toutes les familles qui n’arriveraient pas à s’offrir un poulet à Noël ou à Nouvel An. Parmi les avis recueillis, à Abidjan comme à Paris, Lyon ou Marseille, ceux des personnes estimant que la ville aurait dû penser à soulager les misères de la population jouxtent ceux qui pensent que les beautés d’une ville illuminée font du bien à l’âme de ses habitants. Et en France comme en Côte d’Ivoire, les préoccupations se rejoignent pour économiser le plus possible, en recourant par exemple à l’énergie solaire ou à des ampoules LED, qui permettent de diviser par dix la consommation d’électricité. (paru dans le quotidien Fraternité Matin, Abidjan, le 29 décembre 2012)