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20/10/2012

Un problème ? Vite un mur...

Par Catherine Morand, journaliste

 

 Cest fou ce que les murs ont la cote en ce moment. Depuis la chute du mur de Berlin et à l'heure de la mondialisation plus ou moins triomphante, on pensait pourtant leur ère révolue. Or c'est tout le contraire qui est en train de se passer, avec le retour en force des grandes muraille et des barbelés sur la prairie. Dernières constructions en date : la Grèce qui bâtit une muraille sur sa frontière avec la Turquie ; ou celle qu'est en train d'ériger le Pakistan le long de sa frontière avec l'Afghanistan pour empêcher les infiltrations de talibans, qui devrait mesurer à terme 32 km de long, et traverser le territoire pachtoune.

 

Un problème à résoudre, vite un mur ? Les exemples pullulent, en tout cas, aux quatre coins de la planète : la Thaïlande a ainsi dévoilé son projet de construire un mur de 75 km sur sa frontière avec la Malaisie pour empêcher le passage de "terroristes". Les plus connus : le mur de quelque 1200 km que l'administration Bush avait ordonné de bâtir entre les Etats-Unis et le Mexique pour renforcer les barrières déjà existantes, celui de plusieurs centaines de kilomètres qui sépare Israël et la Cisjordanie, les clôtures de barbelés encerclant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc, contre lesquelles viennent se fracasser les migrants.

 

L'Inde s'est également lancée dans la construction d'une barrière de 3300 km pour endiguer l'immigration venue du Bangladesh. Le Botswana a mis en place une clôture électrique de 480 km sur sa frontière avec le Zimbabwe pour limiter l'immigration en provenance de ce pays ; et l'Arabie Saoudite est en train d'ériger des murs dotés de matériel de contrôle ultrasophistiqué pour se protéger au nord de l'Irak et au sud du Yémen.

 

Mais est-ce bien raisonnable d'imaginer que les problèmes liés à l'immigration, au "terrorisme", à la misère, puissent être résolus en truffant la planète de murs et de miradors ?

 

La construction de murs par l'armée américaine pour séparer les quartiers sunnites et chiites de Bagdad avait résonné comme un formidable aveu d'impuissance de parvenir à toute solution politique. Une entreprise qui avait été ensuite stoppée par les nouvelles autorités irakiennes.

 

Le désir de se "protéger" derrière des remparts est devenu une réalité, y compris au coeur des grandes métropoles, où les nantis ont de plus en plus tendance à se retrancher dans de véritables forteresses, voire à chercher refuge dans des quartiers "privatisés", où l'on n'accède que par des check points contrôlés par des gardes armés.

 

Abidjan en sait quelque chose. Pour se protéger des bandits de grand chemin comme des milices armées, les habitants de la capitale économique n'ont cessé, au cours de ces dernières années, d'ériger des murs de plus en plus haut, hérissés de barbelés ou de tessons de bouteilles, pour protéger leur quartier, leur maison, leur cour, quitte à se retrouver dans de véritables fours, tant l'air n'arrive plus à circuler. Pauvre Perle des Lagunes désormais striée de hauts murs, dont les habitants zigzaguent entre des barrières et des portails, censés les protéger du malheur.

 

En Europe aussi, les murs ont également fini par surgir. Par exemple dans la ville italienne de Padoue, où les autorités ont fait construire un mur d'acier de 84 mètres de long sur 3 mètres de haut pour séparer un quartier d'immigrés d'un quartier résidentiel…

 

Les murs du monde ? Autant d'aveux d'impuissance, véritable degré zéro de l'action politique. Les dirigeants n'arrivant plus à maîtriser les problèmes liés à l'immigration, au grand banditisme, au "terrorisme ", ou tout simplement à l'extrême pauvreté des uns et à la richesse indécente des autres, cherchent à les résoudre en construisant des murs. Et en se barricadant eux-mêmes derrière de hautes murailles, comme les seigneurs du Moyen Âge. (Publié dans Le Matin Dimanche, Fraternité Matin)

 

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