19/09/2009
Les drones de Kaboul
Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 20 septembre 2009
Dans le ciel de Kaboul, cela fait longtemps que les cerfs-volants ont cédé leur place aux drones. Les drones ? Ce sont ces étranges robots volants, ces avions sans pilote ultrasophistiqués, qui planent au-dessus de l’Afghanistan et du Pakistan voisin. La région, une des plus pauvres du monde, est devenue un vaste champ de manœuvres et d’expérimentation pour les engins de guerre high-tech les plus modernes, testés en live par les armées les plus puissantes du monde.
Rares en 2001, les drones sont aujourd’hui l’armement vedette des armées occidentales qui occupent l’Afghanistan depuis huit ans. Il en existe plusieurs milliers, de toutes les tailles, qui prennent des photos de jour comme de nuit, renseignent les troupes américaines et celles de l’OTAN sur les mouvements de l’« ennemi », illuminent les cibles, lâchent des missiles. Ils portent des noms de séries B : « Predator », « Reaper » ou encore « Global Hawk », le plus gros drone guerrier de l’armée américaine, à l’origine d’innombrables carnages en Afghanistan.
Les images captées dans les vallées afghanes par les caméras à haute résolution qui équipent ces « big brothers » venus du ciel sont transmises à des satellites en orbite. Et projetées en temps réel, avec une netteté saisissante, à des milliers de kilomètres, sur les écrans de contrôle de bases militaires françaises ou américaines, dans le Nevada, d’où les drones sont pilotés à distance, par télécommande. Ambiance salle de jeux vidéo donc, avec consoles, manettes et joysticks, pour ces opérateurs qui n’ont parfois jamais piloté un avion, mais qui mènent une guerre à distance, par drones interposés. Et raient de la carte des villages entiers d’un simple clic de souris.
Pour éviter des pertes humaines dans leurs rangs, les armées recourent de plus en plus aux drones. C’est ainsi qu’émerge une guerre robotisée, où l’« ennemi » n’est plus qu’une image virtuelle sur un écran d’ordinateur. Des dizaines de milliers d’Afghans ont été assassinés de la manière la plus lâche qui soit par des avions sans pilote et sans visage, avec la caution des pays dits civilisés. Pourtant, malgré leur attirail digne de « Apocalypse Now », les troupes qui occupent l’Afghanistan depuis huit ans perdent du terrain face à des résistants à l’armement dérisoire. Elles auront cependant réussi le tour de force de faire basculer la population afghane dans les bras de talibans autrefois honnis, mais qui font aujourd’hui figure de héros. Et d’attiser une haine sans fin à l’égard de l’Occident.
22:23 | Tags : les drones de kaboul, guerre high-tech, haine de l'occident | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Je pense, en effet, que les guerres se gagnent ou se perdent avec des éléments autres que matériels, voire simplement militaires au sens large (stratégie ou tactique) et que, paradoxalement, leur issue dépend surtout de facteurs précisément non militaires, démographiques, économiques ou moraux. Et c’est pour ça que j’estime que, pour les Occidentaux, cette guerre est perdue.
Il est d’ailleurs dommage qu’Obama, qui va certainement voir sa réforme de la santé torpillée (et, sans doute, avec elle, toutes celles qu’il voudra entreprendre à l’intérieur et qui n’iront pas dans le sens des classes dominantes) s’entête sur un dossier extérieur aussi mauvais…
Écrit par : patricia | 17/12/2009
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