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22/08/2009

Qu'est le travail devenu ?

Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 23 août 2009

 

Vaut-il mieux placer des bonbonnes de gaz et menacer d’exploser les locaux de sa société ou séquestrer son patron ? C’était le dilemme de l’été chez nos voisins français où, dans l’indifférence générale, les licenciements et les fermetures d’entreprises se sont poursuivis impitoyablement.

 

Les employés, les ouvriers auxquels on annonce leur licenciement ne savent plus quoi faire. Avant, ils se battaient pour tenter de maintenir leurs places de travail. Aujourd’hui, totalement désespérés, ils menacent de tout faire sauter simplement pour obtenir des indemnités un peu moins dérisoires. Car ils savent qu’ils ne retrouveront plus jamais un emploi digne de ce nom.

 

Au terme de « création » de places de travail s’est d’ailleurs substitué celui, terrifiant, de « destruction » d’emplois. Les économies européennes et américaines ont d’ailleurs rarement « détruit » autant d’emplois, fermé autant d’usines. Pour aller où ? Encore et toujours dans les pays où le travail est moins cher, pardi. En Asie du Sud-Est, dans les pays de l’Est, en Mongolie, n’importe où, sur la lune s’il le faut, pourvu que la main-d’œuvre ne coûte rien et ferme sa gueule. Et la « crise » ne fait qu’accélérer le mouvement.

 

Au nom de la crise justement, sous nos latitudes, ceux qui ont encore un job ne sont pas à la fête. Pour justifier leurs salaires faramineux, les top managers restructurent, convergent, synergisent, flexibilisent, CDDisent, interimisent, précarisent les employés comme les cadres avec, à la clé, toujours la même obsession : diminuer le coût du travail, réduire le personnel.

 

On vous diminue votre salaire sans vous licencier ? Dites merci. Les jeunes multiplient les stages à prix cassé sans jamais être embauchés, ou même y vont de leur poche pour pouvoir travailler ? C’est la crise, vous comprenez. Vous approchez de la cinquantaine ? Alors craignez d’être périmé sur le marché du non-emploi et acceptez n’importe quoi.

 

D’aller travailler en Hongrie pour quelque 425 euros par mois ou du côté de l’Inde ou du Brésil, par exemple. « C’est ça ou le chômage » se sont vus dire récemment des employés français. Du coup, on commence à percevoir un certain manque de motivation dans de nombreux secteurs, une conscience professionnelle en berne sur un marché du travail complètement chamboulé, où les codes ont changé.

 

Les salariés savent désormais qu’ils peuvent à tout moment être remerciés de manière extrêmement brutale, à l’anglo-saxonne, comprendre : avoir un quart d’heure pour vider son bureau de ses affaires personnelles, même si on a vingt ans de « boîte »,  et dégager avec son carton sous le bras.

 

 

08/08/2009

Nollywood vaut bien Hollywood

Par Catherine Morand, journaliste - Le Matin Dimanche - le 9 août 2009

 

Nous connaissons par cœur les séries et les films hollywoodiens qui squattent nos écrans. On sait aussi que Bombay est la capitale du cinéma indien, d’où son surnom de « Bollywood ». Mais qui a entendu parler de « Nollywood », avec un « N » comme Nigeria ?

 

Et pourtant. Dans le trio de tête des principaux pays producteurs mondiaux de films, le Nigeria dame désormais le pion à l’Inde et aux Etats-Unis, avec plus de 2000 productions par année. Dans les studios de Lagos, on tourne très vite, pour pas cher grâce au numérique, à partir de scénarios qui mettent en scène des affrontements sanglants entre gangs, des histoires d’amour sans issue, les pratiques occultes qui permettent aux puissants de prospérer.

 

Le public adore et en redemande. Après avoir abondamment consommé des films américains, indiens et ceux de kung-fu made in Hong-Kong, les Nigérians sont conquis par une production locale, qui inonde le continent africain et bien au-delà. Les stars de Nollywood, Geneviève Nnaji, Rita Dominic ou Omotola, sont aussi connues qu’Angelina Jolie, de Johannesburg à Chicago, en passant par Freetown ou Liverpool.

 

Malgré un piratage très bien organisé, l’immense succès remporté auprès du public, ainsi que des techniques qui allègent considérablement les frais de tournage, permettent aux producteurs de Nollywood de fonctionner sans l’aide de l’Etat ni de la coopération internationale. Un mode de faire qui a gagné le cinéma francophone, longtemps soutenu à bout de bras par des fonds européens, devenus de plus en plus rares.

 

Le film policier burkinabé « Traque à Ouaga », qui a fait un tabac, a ainsi été rentabilisé en quelques semaines. Et dans les bus qui sillonnent l’Afrique de l’Ouest, les passagers rient à gorge déployée en regardant les vidéos du sitcom ivoirien « Ma famille », totalement irrésistible. On est loin des films présentant une Afrique immuable et traditionnelle, si chère aux bailleurs de fonds et au public européens, mais boudés sur le continent.

 

Demeure cependant la question de l’existence même de salles, qui disparaissent les unes après les autres. Après les récentes fermetures de l’Abbia à Yaoundé et du Wouri à Douala, le Cameroun n’a plus aucune salle de cinéma. Le public, pourtant féru de films, devra-t-il se contenter de DVD sur petit écran ou de clubs vidéo ? Lors du dernier festival de Cannes, l’actrice Juliette Binoche s’était faite l’ambassadrice de l’association « Des cinémas pour l’Afrique » qui ambitionne de faire rouvrir, pour commencer, le mythique cinéma « Soudan » en plein centre de Bamako au Mali.