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12/07/2013

Que serait le commerce mondial sans les containers ?

Par Catherine Morand, journaliste

Quelle est la différence entre les ports africains, européens ou américains ? Aucune, car  ils se ressemblent tous : des containers (« conteneurs » en français) empilés les uns sur les autres, à perte de vue, véritables symboles d’une économie mondialiséequi fait faire à chacun de ses produits des milliers de kilomètres sur les mers.

 

Si les conteneurs en provenance d’Afrique transportent le plus souvent des matières premières brutes, ceux en provenance des plus grands ports du monde en Chine,  à Singapour ou en Corée du Sud, regorgent des produits manufacturés qui inondent le monde entier. Mais repartent le plus souvent à vide d’Europe ou d’Amérique, ou alors avec du papier usagé ou du matériel électronique à recycler, puisque les Etats-Unis et la plupart des pays européens ne produisent bientôt plus rien.

Dès lors se pose un petit problème d’ordre sémantique : peut-on encore parler de « pays industrialisés », alors que ceux-ci sont en voie de désindustrialisation avancée ; et de « pays en développement » ou « en voie d’industrialisation », puisqu’eux aussi vont faire leur marché dans les « zones économiques spéciales »  de Shanghaï, Shenzhen ou Canton. Et ne produisent toujours pas ce qu’ils consomment.

Pour ravitailler quelque 300 millions de consommateurs américains en vêtements, chaussures, jouets, meubles, appareils électroniques, denrées alimentaires – la liste est sans fin -  ce sont désormais plus de 30 millions de containers qui traversent chaque année l’océan Pacifique. Pendant les périodes de pointe, avant Noël par exemple, les embouteillages de cargos en provenance de Chine, au large des ports de Los Angeles et de Long Beach, ont un petit air de débarquement en Normandie.

Les porte-conteneurs immenses qui sillonnent les océans consomment entre 150 et 300 tonnes de fuel hautement polluant par jour. Et portent leur part de responsabilité dans le réchauffement climatique. L’aberration qui consiste à faire fabriquer les produits de consommation les plus basiques à des milliers de kilomètres se paie cash : à l’image des grands ports du monde, la planète est au bord de l’asphyxie. Tandis que les pays dits industrialisés ont bradé à tout jamais (?) leurs industries et leur savoir-faire.

Le développement spectaculaire du transport maritime par porte-conteneurs est relativement récent. Exit les cargos de jadis. Aujourd’hui, c’est la course au gigantisme. Le mois dernier, le président français François Hollande baptisait dans le port de Marseille le Jules Verne, l’un des plus grand porte-conteneurs au monde, fabriqué en Corée du Sud mais battant pavillon français. Curieuse image que celle de ce responsable politique, impuissant à juguler la perte d’emplois dans son pays, qui inaugure un géant des mers chargé de transporter jusqu’en France des millions d’objets de consommation courante fabriqués par d’autres sous d’autres cieux. Et qui ne seront plus jamais produits en France, pour cause d’entreprises délocalisées.

Ce type de commerce international modifie jusqu’à la topographie de la planète. Actuellement, des travaux pharaoniques sont entrepris pour permettre le passage du canal de Panama, jusqu’alors impossible, à des Post-Panamax, ces tankers et porte-conteneurs de nouvelle génération, longs de 366 mètres, larges de 49 mètres, transportant jusqu’à 18'000 containers. Dans le même temps, une polémique se développe après l’annonce de l’octroi par le gouvernement du Nicaragua d’une concession à une entreprise chinoise de Hong Kong pour la construction d’un autre canal dans ce pays d’Amérique centrale, qui concurrencerait celui, pas très éloigné, du canal de Panama. Et permettra à son tour aux millions de containers en provenance d’Asie de se frayer un passage entre les océans Atlantique et Pacifique. (publié dans le quotidien Fraternité Matin du 12 juillet 2013)