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15/01/2014

Privilégier l'agrobusiness ou les petites exploitations familiales ?

2014 a été proclamée « Année internationale de l’agriculture familiale » par les Nations Unies. But de l’opération : mettre en lumière une réalité souvent méconnue, à savoir que  ce sont précisément ces petites exploitations agricoles familiales qui nourrissent l’humanité en fournissant 70% des aliments qui sont consommés. Elles aussi qui sont les premiers employeurs au niveau mondial, ainsi que les garantes de l’immense diversité des agricultures de la planète.

Face à une telle réalité, pourquoi ces exploitations agricoles familiales sont-elles si maltraitées, marginalisées, si peu soutenues, au point qu’elles disparaissent par milliers, générant à chaque fois de véritables drames humains, pouvant aller jusqu’au suicide ? C’est dire si cette Année internationale de l’agriculture familiale décrétée par les Nations Unies est importante. Durant toute l’année 2014, en Suisse, comme ailleurs, des actions et des campagnes sont prévues, qui vont rappeler aux sphères politiques et au public que ce sont les petits producteurs qui nourrissent le monde, et non pas l’agrobusiness.

 Il fut pourtant une époque où les Etats africains soutenaient leurs paysans. Puis vint le temps du surendettement, de la mise sous tutelle par le FMI et la Banque mondiale, avec la fin des encadrements, des appuis aux producteurs, aux éleveurs, pour soit-disant laisser jouer le marché et la concurrence. Résultat des courses : une agriculture nationale déstructurée, des paysans privés de tout appui, victimes de la concurrence déloyales des produits issus des agricultures européennes et américaines largement subventionnées, qui sont allés grossir les rangs des miséreux qui croupissent dans les villes, à la recherche d’un emploi.

En 2008, dans le contexte d’ « émeutes de la faim » qui enflammèrent  plusieurs pays, la Banque mondiale reconnut pour la première fois, dans son rapport annuel, qu’elle avait s’était trompée en exigeant des pays africains l’arrêt de tout appui à leur agriculture. Incroyable ! Des dégâts incommensurables commis au nom d’une idéologie ultra-libérale, et personne pour rendre des comptes.

Le plus sidérant, c’est que les choses n’ont guère changé. Les nombreux appels à investir dans l’agriculture africaine ne concernent pas ces millions de petits producteurs, d’exploitations familiales, qui en sont la colonne vertébrale. Non. Ils favorisent avant tout les intérêts des grandes sociétés agroalimentaires, des multinationales agrochimiques qui se partagent le marché des semences, des pesticides et des engrais. Et ouvrent toutes grandes les portes du continent à l’agrobusiness.

La Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, lancée en 2012 lors du sommet du G8, illustre parfaitement cette tendance. Lors de sa création, cette initiative annonçait la mise à disposition de 3 milliards de dollars d’investissements agricoles, provenant avant tout de multinationales. Les pays africains concernés sont désormais au nombre de dix : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Ghana, Malawi, Mozambique, Nigeria, Tanzanie et Sénégal, ainsi que plus de 100 entreprises.

Un rapport publié en septembre 2013 par l’ONG internationale Oxfam, intitulé  « Nouvelle Alliance, un nouveau cap requis » est cependant accablant. On y apprend en effet que les réformes politiques que ces pays se sont engagés à mener – révision des lois foncières, politique des semences, levée des barrières fiscales - crée davantage un environnement favorable pour le secteur privé et les investisseurs étrangers plutôt qu’un soutien aux petits producteurs nationaux, qui n’ont guère été consultés. Avec, à la clé, une production agricole industrielle qui pénalise encore davantage ces derniers. C’est pourquoi Oxfam recommande vivement aux pays membres de cette Nouvelle Alliance de réévaluer l’ensemble des réformes politiques prévues ou déjà engagées, afin de déterminer leur impact sur les petits producteurs, tout particulièrement concernant leur accès aux terres et aux semences. (publié dans le Courrier (Genève) et Fraternité Matin (Abidjan)